Près de trois milliards d’euros d’amende pour le « cartel des camions »
La commissaire européenne à la concurrence Margrethe Vestager fait encore une fois parler sa forte personnalité. Après avoir infligé une amende de 2,4 milliards d’euros à l’encontre de Google fin juin, la Danoise a déclaré avoir « frappé fort » le 19 juillet dernier, dans le cadre d’une enquête qui dure depuis novembre 2014, en « infligeant des amendes records » à un cartel de fabricants de camions dont la collusion a duré de 1997 à 2011. Détenant à eux cinq 90 % du marché des poids moyens et lourds dans l’Espace économique européen (EEE), Man, Volvo/Renault, Daimler, Iveco et DAF ont préféré mener une stratégie commune plutôt que de se livrer concurrence. Les constructeurs sont notamment réprimandés pour leurs accords sur le prix de vente des camions de plus de six tonnes, la coordination de leurs agendas relatifs à leur alignement aux normes européennes en matière d’émissions de CO2 (Euro III à Euro VI) et la répercussion sur les consommateurs de leurs coûts d’ajustement à cette transition.
1,2 % du chiffre d’affaires du cartel
En Europe, neuf marchandises sur dix effectuent au moins un voyage en camion au cours de leur commercialisation. En engendrant une hausse inflationniste des prix des camions, les pratiques commerciales restrictives des cinq groupes ont donc eu pour conséquences la réduction générale du pouvoir d’achat des consommateurs ainsi que la contraction des marges des sociétés de transport. En réponse, l’Autorité de la concurrence inflige donc une astreinte qui représente 1,2 % des chiffres d’affaires cumulés des membres du cartel. Au vu de la répartition de celle-ci, son impact sur le résultat de chaque constructeur varie de 4,4 % pour DAF à 0,66 % pour le groupe Daimler, plus gros payeur mais aussi plus grande puissance financière du trust. Par ailleurs, en vertu de la clémence promise aux entreprises coopératives dans les procédures judiciaires européennes, Volvo/Renault, Daimler et Iveco ont vu leur sanction réduire proportionnellement à leur apport dans l’enquête (soit de 40 %, de 30 % et de 10 %, respectivement). Une remise supplémentaire de 10 % a été octroyée à toutes les parties pour avoir reconnu leur participation et leur responsabilité dans l’affaire. Man a même bénéficié d’une immunité totale pour avoir révélé l’existence de l’entente aux autorités européennes en 2011. Une indulgence néanmoins limitée puisque la Commission réserve la possibilité pour les acquéreurs de poids lourd qui auraient été lésés pendant cette période d’obtenir des réparations (additionnelles au paiement de l’amende) pour leur préjudice. La négociation transactionnelle et confidentielle reste la voie préférée dans ce cas, afin de maintenir des relations saines et durables avec les fournisseurs.
A.R.