Emmanuelle Seyboldt : La foi dans le débat
Réfléchie, modérée, sereine… La nouvelle présidente de l’Église protestante unie de France pourrait à elle seule redorer l’image des religions en France. « Nous pensons qu’il faut régulièrement dépoussiérer les traditions, explique cette pasteure de 57 ans originaire de Besançon. Nous essayons de revenir au texte, non pas de façon fondamentaliste, mais en y cherchant nos propres réponses. » C’est ainsi que, en 2015, à la suite de son synode annuel et après des concertations locales, l’Église protestante de France autorise en toute discrétion le mariage homosexuel. Pourquoi si peu de médiatisation autour de cette décision ? « Nous avons une démarche assez difficile à expliquer, justifie Emmanuelle Seyboldt. Nous sommes dans le dialogue, dans le débat, or les médias relaient généralement les positions les plus tranchées. » L’Église protestante aurait-elle un temps d’avance sur la société civile ? Il suffit de constater la place des femmes pour s’en persuader. « Je n’ai jamais rencontré de difficultés à ce niveau », assure cette mère de famille, divorcée et remariée, mais qui préfère néanmoins esquiver la question de la PMA et de la GPA : « Nous n’avons pas encore ouvert ce sujet. Il n’a pas directement d’incidence sur la vie de notre communauté. »
« Couloirs humanitaires »
Chargée de représenter son mouvement devant les pouvoirs publics, Emmanuelle Seyboldt intervient directement auprès du ministre des Cultes. Cette année, elle est mandatée par le synode pour « faire pression » sur l’État, au sujet de l’accueil des migrants. Une préoccupation de longue date au sein de la plupart des communautés religieuses. Depuis quelques années, plusieurs mouvements catholiques – notamment la Conférence des évêques ou le Secours catholique –, protestants et bouddhistes, travaillent ensemble sur l’ouverture de « couloirs humanitaires ». L’objectif ? Récupérer, accueillir puis intégrer les réfugiés, en majorités syriens. « Ces couloirs, ouverts depuis le 5 juillet, sont le fruit de deux années de discussions avec le ministère de l’Intérieur », confie la protestante, consciente que si des avancées sont notables, rien n’est jamais acquis. Ce qu’Emmanuelle Seyboldt souhaite à l’avenir pour son Église ? Qu’elle conserve son ouverture d’esprit et sa capacité à dialoguer. Car, si les intégrismes ont aujourd’hui le vent en poupe, c’est, selon elle, « parce qu’on vit dans une société où le débat n’est plus à l’ordre du jour » et où la peur « conduit à se replier sur ses propres convictions ». Une réalité avec laquelle médias et responsables publics devront composer pour éviter de nouvelles crispations identitaires.
Capucine Coquand