PORTRAIT. Déterminé à défendre les acquis sociaux des travailleurs, le nouveau leader de Force ouvrière rejette en bloc la politique du gouvernement. Pour espérer peser dans le débat politique, il devra toutefois se montrer capable de compromis. Portrait d’un militant engagé qui pourrait perturber les plans d’Emmanuel Macron.

Quelques semaines après son élection à la tête de Force ouvrière, Pascal Pavageau s’inscrit-il déjà comme le nouvel homme fort du syndicalisme français ? Difficile à dire. Message confus, manque de détermination dans les combats menés, porosité avec la sphère politique…. Depuis près de dix ans, l’influence de FO — troisième syndicat du pays derrière la CGT et la CFDT — ne cesse de s’affaiblir. Décidé à renverser la tendance, son nouveau secrétaire général a bien l’intention de se faire entendre. Fort d’un charisme indéniable, doté d’une légitimité incontestable et bénéficiant d’une image positive chez les adhérents, ce militant de la première heure, qui n’a jamais été encarté dans le moindre parti politique, multiplie depuis un mois interviews et autres interventions médiatiques. Son message ? Résister. « Face à un gouvernement qui refuse d’écouter les propositions, nous n’avons d’autre choix que de refuser ce qui nous est imposé », assène-t-il sur LCI quelques jours après son élection, n’hésitant pas à accuser l’exécutif de vouloir « détruire les fondements de notre modèle social ».

Porte-étendard 

Un sujet que cet ancien fonctionnaire connaît bien. Dès le début des années 1990, à seulement 21 ans et alors qu’il étudie au sein de l’École nationale des travaux publics de l’État, Pascal Pavageau rejoint activement Force ouvrière.

« Je pense que Pascal Pavageau rendra fierté et combativité à l’organisation »

Au fur et à mesure des années, il s’impose comme le porte-étendard du syndicat en matière d’aménagement du territoire et prend part à plusieurs missions publiques d’envergure nationale.Dès 2004, il se consacre entièrement à son activité syndicale. Trois ans plus tard, il est élu secrétaire confédéral chargé de l’économie, de la fiscalité, du service public, du numérique, de la politique industrielle, de l’environnement et du développement durable, devenant ainsi l’une des personnalités majeures de l’organisation.  

Contestataire

En 2011, il envisage déjà de prendre la tête du mouvement mais préfère attendre son heure. Sept ans plus tard, seul candidat en lice pour succéder à Jean-Claude Mailly, il est élu secrétaire général avec 96,9 % des voix.

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Dès son premier discours, à l’occasion de la clôture du congrès confédéral le 18 avril dernier, il affiche une ligne contestataire, se distinguant ainsi ouvertement de son prédécesseur souvent critiqué pour sa proximité avec le PS et son manque de combatitivité. « Élevons-nous à la hauteur et même au-delà des immenses attaques qui se jouent, lance-t-il aux militants présents pour l’occasion. Nous allons tenir et faire bloc, unis, soudés, rassemblés, dans le respect de toutes et de tous. »

Trouver des compromis

Pour Rémi Bourguignon, maître de conférences à l’Institut d’administration des entreprises de Paris Sorbonne, si la figure de proue de FO « joue la carte de la dureté », c’est parce qu’il veut « donner le ton ». « Dans un second temps, il devra toutefois montrer qu’il est capable de trouver des compromis. S’il ne fait que s’opposer au pouvoir en place, alors il sera sur la même ligne que la CGT. Or, il n’y a pas de place pour deux syndicats contestataires. » Pour Jean-Noël Lahoz, secrétaire général de l’union départemental de l’Essonne, pas de doute : Pascal Pavageau saura mener la bataille tout en restant fidèle à l’ADN réformiste de FO. « Notre organisation est pour le compromis, mais jamais pour la compromission », précise le leader, décidé à « retrouver la table des négociations, à tous les niveaux. », pour incarner un véritable contre-pouvoir. Saura-t-il également, comme le veut sa fonction, écouter la base syndicale et porter haut ses revendications ? Assurément. « Je m’engage à ce que nous mettions en œuvre les résolutions que vous venez de voter », promet-il lors du congrès.

Libre et indépendant 

Des positions qui séduisent dans les rangs du syndicat. Certains saluent notamment sa distance affichée avec la sphère politique. « Il est libre, indépendant et sans contrainte, assure Jean-Noël Lahoz. Pourtant, Pascal Pavageau connaît bien le président de la République. Il l’a côtoyé, pour le compte de FO au moment où celui-ci était secrétaire général adjoint de l’Élysée, puis lorsqu’il pilotait le ministère de l’Économie. « Nous nous tutoyions à l’époque, se souvient-il, lors d’une interview pour BFM TV.  Aujourd’hui, je vouvoie le président de la République, cela me paraît normal et républicain. » Une proximité qui ne semble pas de nature à inquiéter les adhérents. « On peut toujours avoir des surprises mais, à ce jour et par rapport à un certain nombre d’éléments, je pense qu’il rendra fierté et combativité à l’organisation », estime Jean-Noël Lahoz non sans une pointe d’enthousiasme et d’optimisme.

« FO est totalement décentralisée et très marquée par une culture locale forte, si bien qu’elle est difficile à piloter au niveau national »

Clarifier la ligne

« Je crois qu’il sera capable de mobiliser les militants », poursuit-il. Pour espérer fédérer, le leader de FO devra néanmoins clarifier le message porté par le syndicat. Condition sine qua non pour retrouver de l’influence, selon Rémi Bourguignon. « Mais ce sera difficile », prévient-il. Et pour cause : depuis sa création, FO rassemble des personnalités aux sensibilités diverses, motivées par un combat commun : la lutte contre le communisme. « Aujourd’hui encore, alors que l’anticommunisme n’a plus d’importance, la base syndicale de FO reste très hétérogène, si bien que la direction se doit d’être souple, analyse l’expert. L’organisation est par ailleurs totalement décentralisée et très marquée par une culture locale forte, si bien qu’elle est difficile à piloter au niveau national. »

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Plusieurs défis

Pascal Pavageau pourra-t-il redonner à FO ses lettres de noblesse ? Difficilement. « La question de la disparition du syndicat est posée », note même Rémi Bourguignon. Face à un pouvoir exécutif qui semble dorénavant ne plus vouloir engager de négociations, les partenaires sociaux se trouvent confrontés à plusieurs défis. « On veut les enfermer dans l’entreprise », souligne l’expert. Mais, là aussi, leur influence se trouve aujourd’hui affaiblie. Illustrant cette tendance, le référendum d’entreprise prévoit qu’un accord entre l’employeur et des syndicats peut dorénavant être validé par une consultation interne. Les organisations, pour continuer à exister, doivent ainsi trouver des solutions et prouver qu’elles représentent les intérêts de tous les salariés.Si certains misent d’ores et déjà sur des opérations de terrain, et si, de son côté, la CGT fait le choix de politiser davantage son action, la réponse de FO se fait aujourd’hui attendre.

«S’il ne fait que s’opposer au pouvoir en place, alors il sera sur la même ligne que la CGT. Or, il n’y a pas de place pour deux syndicats contestataires »

« Ce jour n’est pas arrivé »

Le nouveau meneur de FO se pose quoi qu’il en soit comme un opposant ferme aux réformes annoncées par Emmanuel Macron. Tirant à boulets rouges sur les « grands coups de com’ » du couple exécutif, il n’hésite pas à rappeler que « les travailleurs n’ont jamais été aussi éloignés les uns des autres » et que « la cohésion nationale se fissure tous les jours un peu plus ». Face à ce constat, Pascal Pavageau monte au front, se posant même en véritable chef d’armée. « Le jour peut venir où l’égalité faillira, où la solidarité s’effondrera où l’individualisme triomphera, mais ce jour n’est pas arrivé », harangue-t-il lors de son premier discours, reprenant à son compte l’une des célèbres tirades du Seigneur des Anneaux. La guerre peut commencer.   

 

Capucine Coquand

@CapucineCoquand

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