Changement de tête au PCF. Son nouveau secrétaire national, élu de terrain, souhaite préserver l’indépendance de son parti face aux insoumis. Et le recentrer sur les fondamentaux.

Du jamais vu. Pour la première fois de son histoire, la direction du PCF, a perdu un vote interne. Le 6 octobre, le texte d’orientation défendu par Pierre Laurent, à la tête du parti depuis 2010, a été battu par la motion « Pour un manifeste du parti communiste du XXIe siècle » portée par André Chassaigne, député du Puy-de-Dôme et Fabien Roussel, député du Nord.

C’est tout naturellement que ce dernier a été élu secrétaire national le 25 novembre lors du Congrès d’Ivry-sur-Seine avec 442 voix sur les 569 délégués. Pour le moment peu connu du grand public, Fabien Roussel, 49 ans, est pourtant devenu l’homme fort du PCF.

Né à Béthune d’un père journaliste à L’Humanité et d’une mère employée de banque, il baigne très tôt dans le communisme. Il passe une partie de son adolescence au Vietnam où son père était correspondant avant de faire ses études à Champigny-sur-Marne, au cœur de la ceinture rouge francilienne. Son engagement militant commence très tôt au sein du Mouvement des jeunes communistes de France (MJCF).

Il se poursuit dans le sillage d’élus du Nord. Après ses études de journalisme et un début de carrière comme cameramen pour France 3 Nancy, Fabien Roussel devient, à 28 ans, chargé de la communication de Michelle Demessine, secrétaire d’Etat au Tourisme de 1997 à 2001. « Fabien était dynamique, polyvalent. Il m’a aidé à tisser des relations avec les acteurs de la presse et a réussi à mettre en valeur notre travail en faveur du tourisme social ou encore du droit aux vacances. Il avait la capacité à trouver les mots qui permettaient d’être repris dans les journaux ou à la télévision », se rémémore-elle. Il travaille par la suite comme assistant parlementaire du député du Nord Jean-Jacques Candelier avant de rejoindre Alain Bocquet député et maire de Saint-Amand-les-Eaux, ville dont il intègre le conseil municipal en 2014. En 2015, il est tête de liste du PCF et recueille 5,32% des suffrages.

Un communiste de terrain

Fabien Roussel incarne un communisme de terrain, centré sur la défense quotidienne des salariés. « C’est sa marque de fabrique, il est enraciné dans les milieux populaires, comprend la culture ouvrière, la mentalité des anciens mineurs qui marque encore très fortement la région », explique Michelle Demessine. En 2016, il lance une pétition en ligne pour la réintégration d’un cadre licencié chez Bombardier. L’élu s’est également très tôt engagé dans la défense d’Ascoval, une aciérie de 300 salariés menacée de fermeture : « Depuis 2015, il est de loin l’élu le plus investi dans le dossier », témoigne Nacim Bardi, délégué syndical. « Même lorsqu’il n’était que simple élu municipal, il nous a consacré énormément de temps, cherchait des idées concrètes, se montrait joignable et n’hésitait pas à nous appeler tard le soir si besoin », poursuit le syndicaliste. Devenu député, il a porté le dossier devant le ministre de l’Economie Bruno Le Maire et un repreneur est en passe d’être trouvé. Une démarche qui lui a permis d’être identifié et connu dans la région.

"En 2018, il assume d'utiliser les termes communisme, prolétaire, patronat"

Implanté dans le Nord, il se présente pour la première fois aux législatives en 2017. Son terrain de jeu ? La 20e circonscription contrôlée par le PCF depuis 1962, détenue par Alain Bocquet depuis 1978, qui ne se représentait pas. Une investiture en or ? Pas vraiment. Au premier tour de l’élection présidentielle de 2017, Marine Le Pen a obtenu le score de 37,7 % des voix et 56 % au second tour face à Emmanuel Macron.

Une situation périlleuse pour le PCF qui, en plus du FN, était opposé à un candidat insoumis. Pour mener à bien sa campagne, Fabien Roussel a adopté la stratégie suivante : être partout et parler à tous. « C’était impressionnant, il se rendait à tous les événements : brocantes, marchés, repas des aides-soignants, fêtes de l’école… Il se démultipliait et même son équipe ne savait pas où il puisait cette force physique », se remémore Nacim Bardi, qui en raison de son engagement en faveur d’Ascoval a choisi de l’aider dans son combat électoral. Sur le terrain, à l’heure où le clivage gauche droite semble passé de mode, il ne cache pas son orientation. « Oui, en 2018, il assume totalement d’utiliser les termes communisme, camarade, prolétaire ou lutte des classes », affirme Nacim Bardi. Une stratégie gagnante. Avec 63,8 % des suffrages, il l’emporte face au FN Ludovic De Danne.

Back to basics

Sur les bancs de l’Assemblée nationale et au sein de la commission des finances, il fait partie des députés les plus actifs avec 158 amendements proposés, 11 questions orales et 3 rapports écrits. Son sujet de prédilection ? la fraude fiscale, dans la continuité de son mentor Alain Bocquet. Avec certains élus, il s’inquiète également de l’état de santé du PCF et de la tentative « d’OPA » des insoumis sur l’un des plus anciens partis politiques de France.

C’est pour préserver son indépendance qu’il soutient la motion « Pour un manifeste du parti communiste du XXIe siècle ». Le texte souligne notamment « qu’il est nécessaire d’être présents avec nos propres candidats à toutes les élections ». Pour le reste du programme, place à la tradition. Le document évoque le « besoin d’un parti révolutionnaire organisé dans la continuité », d’une « éducation populaire nourrie du marxisme vivant », ou de la nécessité « d’unification du salariat » pour « commencer à engager des transformations de portée révolutionnaire ».

Une nouvelle orientation souhaitée par la base militante : « Nous allons nous centrer sur nos forces historiques : la défense du pouvoir d’achat et de l’emploi. Nous avions déjà ces idées mais elles n’avaient peut-être pas assez d’écho. Espérons qu’avec la nouvelle direction, les choses changent », déclare Camille Laîné, secrétaire général du MJCF.

Monsieur punchlines

Pour redonner ses lettres de noblesse au parti, Fabien Roussel peut compter sur ses qualités oratoires qui le différencient de ses prédécesseurs. « Il est vraiment bon à l’oral, clair concis avenant. Il a un côté tribun qui peut nous aider à rivaliser avec Jean-Luc Mélenchon », estime Camille Laîné qui se réjouit « qu’il maîtrise l’art de la formule et de la punchline. Dans le monde dans lequel on vit, c’est important pour attirer l’attention des médias. » C’est ainsi que pour dénoncer l’évasion fiscale, le député à créé devant des journalistes sa propre société offshore sur Internet en quelques minutes. Ironique, il a nommé à sa tête Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des comptes publics… De même lors de son discours d’intronisation, il s’en est pris aux fraudeurs fiscaux « addicts à l’argent comme certains le sont au sexe ou à la drogue ».

"Il a un côté tribun qui peut nous aider à nous faire entendre"

Un style direct qui pourrait lui permettre de rendre le PCF plus familier du grand public dans un contexte où les députés insoumis (Alexis Corbière, Adrien Quatennens, François Ruffin…) sont très présents dans les médias au détriment de communistes bien plus effacés. « Il faut vraiment que la situation change et je suis optimiste », espère Michelle Demessine pour qui « notre expression est pour le moment trop compliquée pour une compréhension globale. Or, Fabien Roussel à cette capacité d'expliquer des choses compliquées de manière simple. »

Si le nouveau secrétaire général entend bien défendre ses idées à l’Assemblée nationale ou place du Colonel Fabien, hors de question pour lui d’abandonner sa circonscription. Dès son élection il a assuré qu’il y rentrerait chaque week-end notamment pour ne pas perdre contact avec le terrain. Pour l’instant, c’est en bonne voie « sa nouvelle stature n’a pas modifié sa façon d’être. Il n’a pas le boulard et reste toujours aussi accessible », souligne Camille Laîné qui estime qu’il pourra contribuer à dynamiser le parti pour les années à venir. Et il y a du travail. Le PCF et sa tête de liste Ian Brossat sont crédités de 3% aux prochaines élections européennes.

Lucas Jakubowicz (@lucas_jaku)

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