Isolement rapide, production massive de masques, tracking numérique et méfiance envers la Chine permettent au pays de ne compter que six décès liés au Coronavirus. Focus sur une politique sanitaire exemplaire.

395 cas de Covid-19 confirmés, 6 morts. Le tout sans aucune mesure de confinement massif. En cette mi-avril, Taïwan prouve qu’il est possible de lutter efficacement contre une pandémie qui, à l’échelle mondiale, a causé près de 130 000 décès. Pourtant, sur le papier, l’île avait toutes les chances de compter parmi les pays les plus touchés. En cause, sa proximité avec la Chine. Même si les deux pays sont en état de guerre larvée, des échanges existent. 60 000 vols relient chaque année les villes taïwanaises à la seconde puissance mondiale. Avec une densité de population de 650 habitants au kilomètre carré, le risque était d’autant plus élevé pour un pays durement touché par le Sras en 2003 et la grippe porcine en 2009. Les responsables politiques taïwanais ont pourtant évité le pire grâce à une politique dont de nombreux États auraient pu s’inspirer.

Aucune confiance en la Chine

Dès l’apparition du virus fin 2019, les autorités taïwanaises ont été certaines d’une chose : la situation était bien plus préoccupante que ce que déclarait la Chine. Le gouvernement de Taipei, qui connaît très bien le mode de fonctionnement des pouvoirs publics chinois, n’a accordé aucun crédit aux communiqués officiels de son puissant voisin. Et a immédiatement pris les mesures nécessaires.

Dès mi-janvier, Taïwan a progressivement réduit à la portion congrue les vols avec la Chine puis les autres pays du monde. Tous les nouveaux arrivants ont été placés en quatorzaine aux frais du gouvernement, avec une indemnité de 33 dollars par jour. Le non-respect du dispositif est sanctionné d’une amende de 30 000 dollars… Suffisant pour limiter et contrôler l’apparition de nouveaux cas.

Masques pour tous !

Contrairement aux pays occidentaux, Taïwan a immédiatement pris des mesures pour équiper de masques ses résidents. Dès le 24 janvier, l’État a pris le contrôle de tous les stocks du pays et a accéléré la production. L’armée a été mobilisée pour fabriquer des millions de masques. Dans le même temps, un décret réglementant leur prix a été adopté. De quoi éviter tout risque de spéculation sur les principaux outils de lutte contre le virus.

Les nouvelles technologies ont également été mobilisées pour aider à la distribution des précieux masques. En moins de trois jours, une application a été lancée. Objectif : indiquer en temps réel les lieux où les masques sont en surplus et ceux où ils sont en rupture. Grâce à cette initiative, les Taïwanais peuvent, depuis plusieurs mois renouveler leurs stocks de masques et se protéger. Les panneaux « plus de masques » présents dans les pharmacies de l’Hexagone doivent sembler étranges aux yeux des habitants du petit pays asiatique qui se paie même le luxe d’exporter ses nombreux stocks vers les nations les plus démunies.

Tracking

Si le numérique aide à l’approvisionnement de masques, les Taïwanais sont allés encore plus loin. Pour une durée limitée dans le temps, ils sont tracés, via leurs téléphones portables. Ce qui permet aux autorités sanitaires de remonter immédiatement toute chaîne de contamination, d’isoler les clusters et de placer en quatorzaine les potentiels contaminés. Tout individu ne respectant pas l’isolement est intercepté par la police dans le quart d’heure. Une "clôture numérique" assumée par la ministre du Numérique Audrey Tang, ancienne hackeuse, qui insiste sur la durée provisoire de cet espionnage massif.

Pékin a fait en sorte d'exclure son voisin de l'assemblée générale de l'OMS. Dommage, le pays aurait pu partager officiellement ses bonnes pratiques...

Taïwan muselée

Les Taïwanais, par leurs actions ont prouvé que la Chine a caché aux yeux du monde la gravité du virus. Un procédé qui n’est pas du goût de Pékin qui, loin de reconnaître ses erreurs, cherche à "châtier" son voisin. Depuis 2016 et l’élection de la présidente Tsing Ing wen, adepte de la ligne dure envers la Chine, Xi Jinping a pesé de tout son poids pour exclure Taïwan des assemblées générales de l’OMS. Les experts originaires du pays n’ont donc pas pu officiellement partager leurs bonnes pratiques. Une initiative qui n’est de toute manière pas la priorité de Taipei. Le 12 avril, une flottille de la marine chinoise menée par le porte-avion Liaoping a mené plusieurs incursions dans les eaux taiwanaises.

Lucas Jakubowicz

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