Le gouvernement a entendu les 45 députés appelant à un vote sur la politique de tracking. Parmi eux, Valérie Petit, élue apparentée LREM du Nord.

Décideurs Magazine. Pourquoi avoir demandé un vote sur la question du tracking ?

Valérie Petit. Aujourd’hui, le projet me semble respecter les libertés publiques. Mais se passer de vote pourrait créer un fâcheux précédent. À l’avenir, un gouvernement pourrait adopter une politique liberticide en disant : "Pas besoin de faire voter les parlementaires, même le gouvernement d’Édouard Philippe s’en est passé en 2020". En aucun cas le Parlement ne doit être sacrifié sur l’autel de la rapidité et de l’efficacité.

En l’état, vous n’êtes pas opposé au projet de l’exécutif…

Tout à fait. Lorsque l’on me demandera de voter le projet, je le ferai. Grâce à la Cnil, à l’Anssi et au RGPD, il existe de vraies garanties en matière de protection des données et des libertés publiques. J’ai une totale confiance en Cédric O pour mener à bien le chantier. Même si j’estime que pour être efficace, une solution de tracking doit être massivement utilisée par la population. Alors que son installation n’est pas obligatoire, ce qui est normal. C’est un peu le serpent qui se mange la queue. À Singapour seule 20% de la population a téléchargé l’appli, ce qui peut porter atteinte à l’efficacité du dispositif.

Pour certains observateurs de la vie politique, la peur d’une fronde de la majorité aurait motivé la décision initiale de privilégier un débat sans vote…

Je remarque que les 45 députés qui ont signé la résolution appelant à un vote viennent de groupes parlementaires différents : Agir, LREM, LR, PS… Mais ce sont tous des élus libéraux au sens anglo-saxon du terme, c’est à dire qu’ils mettent au centre de leur combat la défense de la liberté individuelle et le fonctionnement démocratique des institutions. Ce qui est l’essence même du projet sur lequel Emmanuel Macron a été élu. Les députés de la majorité qui ont appelé au vote ne sont donc en aucun cas des frondeurs. Notre action ne se fondait pas sur une volonté de contester le gouvernement, il s’agit simplement de respecter l’État de droit; c'est à dire de faire en sorte que les libertés soient garanties par la loi plus que par la personne qui gouverne. 

"Demander un vote sur le tracking n'est en aucun cas une fronde"

Comment expliquer la décision de vouloir, au départ, se passer d’un vote ?

À mon avis il n’y a pas eu de volonté délibérée de contourner le Parlement. Le gouvernement est pris dans une sorte de course à l’urgence pour vaincre l’épidémie. Il a peut-être estimé que les garanties apportées par la Cnil, l’Anssi et le RGPD étaient suffisantes pour déployer le projet. Mais au delà de la légitimité technique, il y a une acceptabilité politique à ne pas négliger. Passer un tel projet sans vote pourra être reproché par nos concitoyens. Je suis donc satisfaite de voir que le gouvernement ait entendu les députés.

Lors du débat puis du vote, quels sont les points que vous souhaiteriez voir abordés ?

J’aimerais que l’on fixe une limite de temps sur lesquelles utiliser le tracking. Le président a promis que le procédé serait  en vigueur sur du court terme, mais un calendrier exact me semble important ; même s’il peut être aménagé en fonction de l’évolution de l’épidémie. Je souhaite également qu’à l’issue de la crise sanitaire les méthodes de tracking fassent l’objet d’une évaluation devant le Parlement. Ce serait une bonne occasion avec un peu de recul d’analyser les coûts, les conditions de déploiement ou encore le nombre de téléchargements ou encore le respect des libertés publiques.

Propos recueillis par Lucas Jakubowicz

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