"Si la France avait dépensé plus en matière de santé, l’épidémie de Coronavirus aurait été moins meurtrière." Cette affirmation, présente dans le débat public depuis le début du confinement, part du postulat suivant : plus un pays investit dans la santé, plus le nombre de décès liés au Covid-19 serait faible. Vraiment ?

À l’échelle mondiale, cinq pays sont parvenus à combattre l’épidémie de Covid-19 et constituent, à cet égard, un vrai cas d’école : l’Allemagne, Israël, Taïwan, la Corée du Sud et le Vietnam. Mis à part notre voisin d’outre-Rhin, tous ont un point commun. Leur part de PIB dépensée dans la santé est inférieure à la moyenne mondiale.

En revanche, ils ont fermé très tôt leurs frontières et mis en place d’ambitieuses politiques de protection basées sur des tests massifs, des distributions de masques et de gants et, pour certains une stratégie de tracking d’envergure. Ce qui a limité la pandémie à des clusters sous contrôle, empêché la saturation des hôpitaux, parfois peu équipés en respirateurs. En matière de gestion de crise, il semble donc que l’anticipation et la distribution d’équipements de protection soient le meilleur moyen de faire face. Les pays asiatiques, échaudés par l’épidémie de Sras en 2003, ne dépensent pas autant que les pays européens dans leurs hôpitaux. Mais un plan "anti-pandémie" était prêt et a immédiatement été activé. Avec, à la clé, des résultats bluffants : aucun mort au Vietnam, six à Taiwan.

Certes, l’Italie et l’Espagne, pays qui comptent le plus de morts pour 100 000 habitants, dépensent moins que la moyenne mondiale et leur budget consacré à la santé a connu des coupes importantes depuis une dizaine d’années. Mais le nombre de victimes est avant tout lié au fait qu’ils ont été les premiers pays européens à être massivement touchés. Lorsqu’ils ont commencé à confiner, la situation était déjà, en partie, hors de contrôle.

Surprise, ce sont les États-Unis qui consacrent la plus grosse part de PIB à la politique de santé. Pourtant, certains comtés américains sont les zones qui comptent le plus de morts pour 100 000 habitants à l’échelle mondiale. La raison est simple : si le pays de l’oncle Sam ne rechigne pas à la dépense, certaines personnes ne peuvent être prises efficacement en charge puisque le système, en partie privatisé, exclu les plus démunis. Ce n’est donc pas un hasard si les Afro-Américains, plus pauvres que la moyenne américaine, sont les plus mortellement touchés par le virus.

En comparant la gestion française avec celle de certains pays étrangers, force est de constater que, si la distribution de masques avait été massive dès le début de l’épidémie et si les mesures de confinement avaient été prises une semaine plus tôt, le nombre de décès aurait été bien moins élevé. L’Allemagne qui a confiné alors que moins de 100 décès ont été déplorés dans le pays, compte 6 334 décès le 29 avril contre 23 660 pour l’Hexagone. Pourtant, la part du PIB consacrée à la santé est légèrement plus élevée en France (11,5%) qu’en Allemagne (11,3%).

Il est donc mathématiquement faux d’affirmer qu’il existe un lien de causalité entre dépenses en matière santé et mortalité liée au Coronavirus. C’est la manière dont les investissements sont menés qui constituent le facteur principal. Dans le cas du Covid-19, le nombre de masques, de gants et de tests semble jouer un rôle plus grand que le nombre de lits dans les hôpitaux ou le nombre de médecins pour 1 000 habitants. L’aspect "réactivité" est également à souligner puisque, plus un pays a confiné tôt, plus il a été épargné.

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Lucas Jakubowicz

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