Débat Trump Biden, bienvenue en Idiocratie
"Menteur", "Clown", "Fermez-là". Une chose est certaine, le duel oratoire entre les deux prétendants au poste de président de la première puissance mondiale n’a pas volé haut ce 30 septembre. La faute à Donald Trump, fidèle à lui-même : interruption constante de son adversaire, fake news à foison, vocabulaire digne d’un enfant, répétition de mots-clés… Difficile, dans de telles conditions, d’argumenter et contre-argumenter.
À l’issue de ce débat, deux questions peuvent se poser. Donald Trump joue-t-il un rôle de composition ? Cet appauvrissement du débat public est-il une exception américaine ? S’il est difficile de répondre à la première il est aisé de se prononcer sur la seconde.
Oui, le débat public s’appauvrit. La faute, peut-être, aux réseaux sociaux et aux médias qui ont bien souvent tendance à mettre en avant les "petites phrases" ou les punchlines. Ce qui pousse les candidats à adapter leur champ lexical et leur manière de s’exprimer. Une aubaine pour les populistes, chantres du "parler vrai", du "je dis tout haut ce que j’estime que le peuple pense tout bas". Logiquement, les responsables politiques plus modérés sont, eux aussi, contraints d’adopter les armes de leurs adversaires. Conséquence, dans pratiquement toutes les démocraties, les débats ressemblent davantage à un pugilat qu’à une confrontation d’idées.
Qu'il semble loin le temps du débat entre Barack Obama et John McCain !
Qu’il semble loin le temps des duels entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand, John Kennedy et Richard Nixon, ou encore Barack Obama et John McCain. Désormais, place aux joutes entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron où fusent attaques personnelles et insinuations en dessous de la ceinture. Place aux vitupérations de Jair Bolsonaro, aux propos à l’emporte-pièce de Matteo Salvini ou à la bataille de chiffonniers du débat sur les élections européennes.
Mépris de classe ?
D’une certaine manière, cette "baisse de niveau", si elle peut se comprendre, est une erreur de la part de la classe politique qui préfère jouer la corde de l’émotion plutôt que celle de la raison. Comme si elle estimait que le peuple était devenu trop bête pour comprendre et réfléchir. Certains sont persuadés que c’est une preuve d’agilité, un moyen de parler à tous. D’autres, parfois à juste titre, avancent qu’il s’agit d’un certain mépris de classe qui consiste à estimer estimer le grand public comme trop stupide pour écouter un raisonnement bien charpenté. La situation ressemble furieusement à La ferme des animaux de George Orwell, ouvrage dans lequel les cochons assoient leur pouvoir en abreuvant les moutons de concepts simples. Dans la fable, les moutons sont réellement stupides. Est-ce désormais le cas du grand public ? Le meilleur moyen de le savoir est d’attendre un débat où les participants pourront faire preuve de leur talent oratoire, de leur maîtrise des dossiers et de leur vision à long terme. De la science-fiction ?
Lucas Jakubowicz