Une majorité qui souhaite davantage s’ancrer et, pourquoi pas, remporter des régions, un RN qui espère enfin briser le plafond de verre, des socialistes et une droite voulant conforter leurs acquis, des présidentiables qui jouent leur destin, des alliances potentiellement explosives… Pas de doute, les régionales s’annoncent palpitantes.

LREM, opération implantation

Sur le papier, la majorité n’a rien à perdre puisqu’elle ne gouverne aucune région. Quel que soit le résultat au lendemain du second tour, elle devrait engranger des sièges dans les exécutifs régionaux. Les listes macronistes, données qualifiées au second tour partout, sont très bien parties pour obtenir des élus (sauf si elles s’effacent sans contrepartie au profit du candidat le mieux placé pour éviter une victoire du RN).

LREM convoite deux régions de l’ouest de l’Hexagone. En Bretagne, un seul sondage est pour le moment publié. Au premier tour, le Marcheur Thierry Burlot est légèrement en tête devant LR, le PS et le RN. L’absence d’une union de la gauche entre les deux tours le favoriserait. En Centre-Val de Loire, le secrétaire d’État aux Relations avec le Parlement, Marc Fesneau, est solidement implanté localement. Au premier tour, il est pour le moment crédité de 21%, loin derrière le RN (28%) mais devant le président socialiste sortant et la droite.

RN, gagner de la respectabilité (et une région ?)

Sans front républicain, l’extrême droite aurait pu remporter la région Paca et les Hauts-de-France en 2015. Le parti de Marine Le Pen doit donc briser le plafond de verre et séduire les électeurs de la droite traditionnelle. Pour cela, elle se targue de présenter des candidats au profil de "notables" tels que l’ancien magistrat et député UMP Jean-Paul Garraud en Occitanie, l’ancien député et ministre de Nicolas Sarkozy Thierry Mariani en Paca ou le député Sébastien Chenu qui défiera Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France. Dans de nombreuses régions, les listes RN arriveraient en tête au premier tour avant d’être victimes de la stratégie du cordon sanitaire au second. Sauf en Paca où le feuilleton de l’union LR-LREM semble pousser une frange des électeurs de l’aile droite provençale de LR dans les bras de Thierry Mariani qui, selon les dernières études d’opinion, peut rafler la mise.

LR, Vers une probable victoire en trompe l’œil

Pas de chef, difficulté à retrouver une identité politique, présence au second tour de la prochaine présidentielle loin d’être acquise... "Oui, mais au moins lors des élections locales, nous sommes performants", doivent penser les dirigeants du parti pour se rassurer. Et les dernières élections municipales leur donnent raison. Actuellement, la droite contrôle sept régions sur treize (Pays-de-la-Loire, Grand Est, Aura, Hauts-de-France, Ile-de-France, Normandie, Paca). Même si les jeux sont loin d’être faits, les sortants semblent favoris à leur réélection. Malgré tout, la victoire risque d’être à la Pyrrhus. Entre les deux tours, les questions d’alliances avec la Macronie et de positionnement face au RN risquent de tendre l’ambiance et de provoquer des remous, voire des scissions et des dissidences.

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Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez jouent leur destin national.

PS, Sauver les meubles

Autre grand parti en déclin, le PS est dans une configuration similaire à LR. Lui aussi compte plusieurs régions dans son escarcelle Bretagne, Centre-Val de Loire, Bourgogne-Franche Comté ainsi que la Nouvelle Aquitaine et l’Occitanie, où les sortants Alain Rousset et Carole Delga font figure de grands favoris dans ces terres historiquement ancrées à gauche. Les jeux semblent plus ouverts ailleurs, notamment en Bretagne où se joue la succession de Jean-Yves Le Drian.

Gauche, l’impossible union

Insoumis, Verts et socialistes qui présentent chacun leur liste et promettent de fusionner derrière le mieux placé en Ile-de-France, une liste PS-PCF contre une liste EELV-LFI en Centre-Val de Loire, une alliance PS-EELV en Paca, aucune union en Aura. Des punchlines et des échanges d’amabilité, des ego qui peinent à s’entendre… Une fois encore, les partis partent divisés au premier tour. Et rien n’indique que d’éventuels accords d’appareils fonctionnent au second. Pas certain non plus que les rapports de voix s’additionnent automatiquement. À un an de la présidentielle, la théorie des "gauches irréconciliables" chère à Manuel Valls semble se valider. Une seule région a réussi l’exploit de présenter dès le premier tour une liste complète d’union de la gauche. Il s’agit des Hauts-de-France qui propose en tête d’affiche l’eurodéputée écologiste Karima Delli. Las, dans cette région naguère fer de lance de la gauche, elle rassemble selon plusieurs sondages seulement 20% des voix.

Lorgner vers l’Élysée

Certains candidats le jurent la main sur le cœur : leur région est plus importante que tout. En réalité, personne n’est dupe. Une défaite en juin sonnerait le glas de leurs ambitions nationales tandis qu’une victoire mettrait du carburant dans la fusée. Trois présidents sortants sont dans ce cas de figure. Si Xavier Bertrand a fait part de sa volonté de porter l’étendard de la droite républicaine en 2022, il lui faut impérativement être réélu dans les Hauts-de-France. Lui-même le reconnaît : "Si je perds aux régionales, il en sera terminé de ma vie politique, c’est une question de légitimité." Valérie Pécresse, de son côté, n’a pas encore confié ses ambitions nationales. Mais elle fait partie des présidentiables. Pour maintenir ses chances, elle n’a pas le choix et doit être réélue sans soutien de la majorité pour rester crédible dans son camp. Enfin, à l’issue d’élections européennes catastrophiques, Laurent Wauquiez a quitté son poste de président de LR pour se recentrer sur sa région. Barbu et assagi, il est probable qu’il rêve de revenir dans le jeu national où sa parole et sa ligne peuvent encore peser. Surtout si elles sont validées par les électeurs de la seconde région la plus riche de France.

Lucas Jakubowicz

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