Qui sont les électeurs des principaux candidats ? Quelles sont leurs forces et leurs faiblesses ? Réponse dans cette vaste étude menée par l’Ifop.

"Les sondages, ça va, ça vient c’est comme la queue du chien". Cette formule signée Valérie Pécresse comporte une certaine part de vérité puisqu’ils ne sont qu’une photographie de l’opinion à l’instant T. Mais à un mois du premier tour, prévu le 10 avril, il semble important d’analyser le rapport de force. Qui vote quoi ? Comment se positionnent les catégories sociales et les différentes classes d’âge ? Le rolling de l’Ifop- Fiducial pour LCI et Sud Radio apporte un éclairage précieux. Focus sur des résultats qui peuvent encore bouger durant la campagne électorale.

18-24 ans

Chez les néo-électeurs, Emmanuel Macron devance largement la concurrence avec 39% des suffrages. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon sont au coude à coude avec des scores estimés à 22% et 19%. Derrière, les autres candidats ne récoltent que des miettes. Notons la belle performance d’Anne Hidalgo créditée de 7% contre 2% au global. Elle devance l’écologiste Yannick Jadot (4%) qui, contrairement aux idées reçues, ne semble pas surperformer dans la jeunesse. À droite, Éric Zemmour est à la peine avec un score estimé à 6%. Enfin, LR est en voie de disparition dans la jeunesse puisque Valérie Pécresse est mesurée à 1%.

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25-34 ans

L’Ifop fait le choix de scinder en deux classes les jeunes. Une riche idée puisque, dans les urnes, les 18-24 ans se distinguent des 25-34 ans, une catégorie de la population où l’extrême droite réalise des scores très élevés. 42% des jeunes adultes votent soit Marine Le Pen (31%) soit Éric Zemmour (12%). À gauche, Jean-Luc Mélenchon tire son épingle du jeu (12%) tandis que Yannick Jadot (5%) et Anne Hidalgo (2%) font de la figuration. Le cliché selon lequel les jeunes votent à gauche semble bel et bien enterré. Entre les 18-24 ans et les 25-34 ans, soulignons que le score d’Emmanuel Macron varie de 10 points.

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42% des jeunes adultes votent à l'extrême droite !

+ de 65 ans

Cette catégorie de la population est stratégique pour les candidats puisque c’est celle qui s’abstient le moins le jour J. Emmanuel Macron y fait la course en tête avec 28%. Il est suivi par Valérie Pécresse (23%) qui y réalise un score près de deux fois plus élevé que sa moyenne globale. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen peinent en revanche depuis longtemps à séduire cette catégorie d’électeurs et la situation n’évolue gère. Marine Le Pen est à 11%. Le candidat Insoumis n’obtiendrait que 6% (contre 19% chez les 18-24 ans). Par ailleurs, la ligne "gauche à l’ancienne" du communiste Fabien Roussel semble plaire aux plus de 65 ans puisque son score est mesuré à 6% également.

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Cadres et professions intellectuelles supérieures

Cet échantillon d’électeurs est également clé. Comme les plus de 65 ans, il se mobilise plus que la moyenne. Ce qui semble faire les affaires d’Emmanuel Macron qui domine ses adversaires de la tête et des épaules avec 45%. C’est sûrement l’enseignement principal de l’étude : les CSP+, naguère cœur de cible de la droite désertent massivement et semblent pour le moment se reporter sur le président sortant. Conséquence, Valérie Pécresse, à un mois du premier tour, n’est qu’à 6% (elle est néanmoins à 16% chez les diplômés de troisième cycle). Les candidats les plus "extrêmes" sur la grille de départ sous-performent par rapport à leur moyenne globale : 10% pour Jean-Luc Mélenchon (-1,5 point), 10% pour Éric Zemmour (-2,5 points) et 13% pour Marine Le Pen (-5,5 points). En revanche, Yannick Jadot obtiendrait 8% (+3,5 points).

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Professions intermédiaires

Emmanuel Macron, solide leader chez les CSP+, est-t-il uniquement le candidat des riches que ses opposants décrivent ? Pas le moins du monde puisque, chez les professions intermédiaires, soit les classes moyennes, il est nettement en première position avec 37%, soit plus que sa moyenne nationale. Loin derrière suivent Marine Le Pen (16%) et Valérie Pécresse (13%). Ironie de l’histoire, Éric Zemmour qui se clame représentant des classes moyennes est à 9% et Jean-Luc Mélenchon à 8%.

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Ouvriers

C’est un grand classique d’une élection présidentielle, les candidats en lice se targuent de représenter les classes populaires dont les ouvriers. La gauche, parfois accusée d’être coupée du peuple, réalise néanmoins des scores plus élevés que sa moyenne. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon est à 17% et Yannick Jadot 8%, preuve qu’une écologie populaire existe, même si elle reste à consolider. Cependant, les ouvriers restent la "chasse gardée" de Marine Le Pen créditée de 32% des voix. Emmanuel Macron atteint 19%, un score en deçà de sa moyenne, mais il possède tout de même un socle. Les deux partis de gouvernement traditionnels sont en revanche aux abonnés absents : Valérie Pécresse est bloquée à 3% et Anne Hidalgo à 1%. L’ouvrier socialiste est désormais une espèce en voie d’extinction…

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Femmes et hommes

Emmanuel Macron séduit davantage les femmes que les hommes (34% contre 29%), comme Valéry Giscard d’Estaing en son temps. Éric Zemmour souffre dans l’opinion d’une image qui peut rebuter l’électorat féminin et cela se vérifie dans l’étude menée par l’Ifop qui montre un écart de 4 points entre les femmes et les hommes (11% contre 14%). L’écart est plus important encore chez Jean-Luc Mélenchon (9% contre 14%).

Autre question importante : les femmes sont-elles plus à même de se concilier l’électorat féminin ? Difficile de répondre à la question de manière catégorique. Certes, Marine Le Pen bénéficie d’une prime de genre (16% chez les hommes, 21% chez les femmes) tout comme Anne Hidalgo à son échelle microscopique (1% chez les hommes, 3% chez les femmes). Mais Valérie Pécresse repose sur un électorat davantage masculin (14%) que féminin (10%).

Emmanuel Macron, un favori indétrônable ?

Principal enseignement du sondage, le candidat à sa réélection est solide sur ses appuis, pour reprendre un terme sportif. Même dans les segments où il est le plus faible, Emmanuel Macron frôle les 20% (ouvriers, titulaires d’un CAP). Candidat de la "France qui va bien", Emmanuel Macron domine largement les autres candidats chez les cadres et professions intellectuelles supérieures (45%), les catégories aisées (42%), les résidents de l’agglomération parisienne (37%). En termes d’âge, il cartonne particulièrement chez les 18-24 ans mais aussi chez les retraités, même s’il reste fort partout. Gros plus, il est également en tête chez les professions intermédiaires (37%) et chez les salariés du secteur public (27%).

L’électeur type d’Emmanuel Macron ? Une jeune diplômée de master travaillant comme cadre dans le secteur privé et résidant dans l’agglomération parisienne. Ses parents, retraités de la classe moyenne partagent probablement son vote…

Marine Le Pen, un électorat sociologiquement marqué

Statistiquement, Marine Le Pen s’appuie sur les classes populaires en séduisant notamment 32% des ouvriers, 30% des titulaires de CAP BEP. En revanche, dans certaines catégories, elle reste bloquée sous la barre des 10% : personnes gagnant plus de 2 650 euros net par mois (8%), diplômés du troisième cycle (9%), plus de 65 ans (11%). Implantée dans les zones rurales (32%), le RN est à la peine dans l’agglomération parisienne.

L’électeur type de Marine Le Pen ? Une femme trentenaire, faiblement diplômée, dotée d’un revenu en dessous de la moyenne et vivant en zone rurale.

Depuis 2017, l'électorat LR vieillit mais ne se renouvelle pas. Un défi de taille pour les années à venir

Valérie Pécresse, une droite en péril ?

Voilà un élément qui devrait donner des sueurs froides à l’état-major LR. Plus on est jeune, moins on vote Pécresse : 1% chez les 18-24 ans, 4% chez les 25-34 ans, 7% chez les 35-49 ans, 13% chez les 50-64 ans, 23% chez les plus de 65 ans. En somme, l’électorat de la droite vieillit et ne se renouvelle pas. Difficile d’incriminer Valérie Pécresse, François Fillon était touché par le phénomène en 2017 et les sondages établis durant la primaire de la droite montraient que, peu importe le candidat, il restait essentiellement cantonné aux retraités. Valérie Pécresse a une autre épine dans le pied puisque l’électorat bourgeois, traditionnellement ancré à droite, est de plus en plus séduit par Emmanuel Macron qui l’emporte sur LR dans ses deux "bastions sociologiques".

L’électeur type de Valérie Pécresse ? Un homme retraité du secteur privé, diplômé d’un premier cycle universitaire et qui a toujours voté RPR, UMP puis LR.

Jean-Luc Mélenchon, leader à gauche

Pour sa troisième candidature, l’Insoumis peut se targuer de capter un électorat globalement jeune et populaire. Son cœur électoral se trouve chez les 18-24 ans (19%), les employés (20%), les ouvriers (19%) et les catégories modestes (17%), les non-diplômés (18%). Son électorat est majoritairement masculin et réside dans les villes urbaines de province. Sa principale faiblesse est chez les + de 65 ans (6%).

L’électeur type de Jean-Luc Mélenchon ? Un jeune de 18 à 24 ans, peu ou pas diplômé, employé au Smic et résidant dans une capitale régionale.

Yannick Jadot, plus qu’un bobo

C’est un cliché qui colle à la peau des écologistes comme le sparadrap au nez du capitaine Haddock : EELV serait un parti de jeunes bobos diplômés des grandes métropoles. L’étude Ifop permet de nuancer le jugement. Certes, l’eurodéputé obtient ses meilleurs résultats chez les cadres et professions intellectuelles supérieures ainsi que chez les personnes gagnant plus de 2 650 euros net par mois (8% dans les deux cas). Chez les diplômés de niveau master, il monte même à 9%. Mais son score change peu en fonction de l’âge ou du lieu de résidence et du statut social (7% dans les professions intermédiaires, 8% chez les ouvriers).

L’électeur type de Yannick Jadot ? Une jeune quadra diplômée d’un master vivant dans le centre-ville d’une grande métropole.

Lucas Jakubowicz

Méthodologie : L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 1 505 personnes, représentatif de la population résidant en France métropolitaine âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas au regard de critères :  sociodémographiques (sexe, âge de l’individu) ; socioprofessionnels (profession de l’individu) ;  géographiques (région, taille d’unité urbaine) ; Ces quotas ont été définis à partir des données de l’Insee pour la population âgée de 18 ans et plus résidant en métropole (Insee RP 2018). Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 4 au 8 mars 2022.

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