27 juin 2024, Europe 1 a reçu une mise en demeure du gendarme de l’audiovisuel. L’Arcom reproche à la radio le traitement critique et virulent de l’actualité électorale opéré par son émission "On marche sur la tête", animée par Cyril Hanouna et spécialement créée pour couvrir la période électorale.
Neutralité : Europe 1 et Cyril Hanouna mis en demeure par l’Arcom
Nouvelle frappe de l’Arcom. Le gendarme de l’audiovisuel a mis en demeure, le 27 juin 2024, Europe 1 d’injecter de la "mesure" et de "l’honnêteté" dans le traitement de l’actualité électorale par l’émission On marche sur la tête. Lancé à la mi-juin spécialement pour couvrir le déroulement de la campagne et des élections législatives, le programme diffusé quotidiennement de 16h à 18h a pour animateur Cyril Hanouna, déjà rappelé à l’ordre par l’Arcom pour son comportement sur la chaîne C8. Et a été épinglé par l’Arcom pour violation de l’obligation légale de couvrir les élections avec un “souci constant de mesure et d’honnêteté”.
Propos outranciers
Dans sa décision, l’autorité française vise un flot de propos, "souvent péjoratifs et outranciers", tenus sur les ondes station du groupe Lagardère entre le 17 et le 25 juin 2024. Dirigées contre le Nouveau Front populaire (jugé par les chroniqueurs de l'émission responsable du drame de Courbevoie et des potentiels troubles à l’issue du scrutin, ou comme émeutier "Le flanc de droite n’appellera pas aux émeutes, mais le flanc de gauche va appeler aux émeutes s’ils perdent, c’est sûr") ou contre l’ex-président François Hollande (dont on peut entendre qu’il est "l’exemple même de la déchéance à gauche", "un sketch à lui tout seul" ou encore qu'"à part aller chercher des croissants et se balader en scooter, il n’a rien fait"), les critiques fusent."Vous allez pactiser avec le diable", lance-t-on à un candida PS, “Ils sont amoureux des voyous", profère-t-on à propos de LFI.
Selon l'Arcom, 16 de 29 invités représentent l'extrême droite
Manque de contradiction
L’Arcom a calculé que, depuis le début de la diffusion de l’émission, un peu plus de la moitié des invités (16 sur 29) représentaient ou soutenaient des partis relevant du bloc de l’“extrême droite”. Les autres personnalités étant issues pour la plupart de la majorité présidentielle (7) et l’animateur n’ayant fait venir que deux membres du Nouveau Front populaire. L’Autorité tire le constat d’un traitement médiatique "largement univoque". Et d’expliquer : "La plupart des invités, dont une grande majorité sont issus du même courant politique, [ont] tenu des propos convergents tout en formulant de vives critiques à l’encontre de La France insoumise et du Nouveau Front populaire sans qu’aucun autre point de vue ne puisse suffisamment s’exprimer."
Heure de grande écoute et relais des réseaux sociaux
À cette représentation inégale du spectre politique, il faut ajouter le contexte. Celui de la "brièveté de la campagne des élections législatives [qui] impose aux éditeurs de services audiovisuels de veiller avec une vigilance particulière à l’application du pluralisme". A fortiori lorsque leurs émissions passent par les ondes d’un service de radio national d’information politique et général au sein d’un programme spécialement créé pour les élections de juin. Autre élément majorant : l’Arcom rappelle que les propos en cause ont été diffusés à un horaire de grande écoute et qu’ils bénéficient d’un "relais significatif” sur les réseaux sociaux, largement investis par Europe 1 et Cyril Hanouna".
Si ni l’éditeur de l’émission ni son animateur n’ont encore réagi à la décision, on pouvait lire hier sur le fil X d’Europe 1 une phrase de Cyril Hanouna : "Pourquoi le succès aujourd’hui de C8, CNews et Europe 1 dérange ? Parce que les donneurs de leçon qui sont dans leur tour d’ivoire n’ont plus la main." La mise en demeure de l’Arcom tombe deux jours après un rappel à l’ordre de Sud Radio pour un manque de rigueur et de contradiction dans l’émission d’André Bercoff sur le réchauffement climatique. Et quelques mois après un arrêt du Conseil d’État qui avait fait couler beaucoup d’encre en mars dernier : les juges de la place du palais Royal invitaient le gendarme de l’audiovisuel à exploiter davantage ses capacités de contrôle de l’audiovisuel français.
Anne-Laure Blouin