Le rapport Draghi soutient l’ambition climatique de l’Europe mais insiste sur les défis économiques associés à cette transition écologique.Cette tribune revient sur la nécessité de trouver un compromis afin de préserver la compétitivité de l'industrie européenne face à une concurrence mondiale.

Le rapport Draghi d’octobre 2023, intitulé "L’avenir de la compétitivité européenne : une stratégie de compétitivité pour l’Europe", constitue une contribution majeure au débat sur la position de l'Union européenne face aux défis climatiques et économiques contemporains. Il souligne non seulement l'engagement de l'Europe envers les objectifs climatiques fixés par Bruxelles, mais aussi la nécessité de faire des compromis pour maintenir la compétitivité économique du continent. Il soutient les ambitions climatiques de l'Union Européenne tout en préconisant un équilibre pragmatique entre durabilité environnementale et réalités économiques.

Ce rapport réaffirme l'engagement indéfectible de l'Europe envers les objectifs climatiques, notamment ceux inscrits dans le Pacte vert européen. Il reconnaît que la lutte contre le changement climatique est non seulement une obligation morale, mais aussi une opportunité pour l'innovation et le développement de nouvelles industries.

Pour rappel, le Pacte vert européen vise à faire de l'Europe le premier continent neutre en carbone d'ici 2050. Le rapport Draghi soutient cette ambition en soulignant que la transition vers une économie verte est essentielle pour assurer la durabilité à long terme du modèle économique européen. Il met en avant les avantages potentiels, tels que la création d'emplois verts, la réduction de la dépendance énergétique et l'amélioration de la qualité de vie des citoyens.

L’innovation technologique et recherche au service des objectifs de développement durable

Par ailleurs, le rapport Draghi insiste sur le rôle crucial de l'innovation technologique dans la réalisation des objectifs climatiques. Il encourage les investissements massifs dans la recherche et le développement de technologies propres, telles que les énergies renouvelables, les transports durables et l'efficacité énergétique. Il souligne que l'Europe dispose des ressources intellectuelles et financières pour être à la pointe de cette révolution verte.

Le rapport Draghi souligne que l'Europe dispose des ressources intellectuelles et financières pour être à la pointe de la révolution verte

Même s’il soutient les objectifs climatiques, le rapport adopte une approche réaliste en reconnaissant les défis économiques associés à la transition écologique. Draghi plaide pour des compromis afin de préserver la compétitivité de l'industrie européenne face à une concurrence mondiale intense.

Le rapport met en évidence que les réglementations environnementales strictes peuvent engendrer des coûts supplémentaires pour les entreprises européennes, ce qui pourrait les désavantager par rapport à des concurrents internationaux moins régulés. Il souligne le risque de "fuite de carbone", où les industries pourraient délocaliser leur production vers des pays avec des normes environnementales moins strictes, entraînant une perte d'emplois et d'investissements en Europe.

Intégrer la durabilité dans les modèles économiques des entreprises tout en égalisant la concurrence aux frontières sur les émissions carbone 

Pour atténuer ces risques, Draghi propose des mesures telles que des mécanismes d'ajustement carbone aux frontières visant à égaliser les conditions de concurrence en imposant des taxes sur les importations provenant de pays ne respectant pas des normes environnementales équivalentes. Cela encouragerait les partenaires commerciaux à adopter des pratiques plus durables tout en protégeant l'industrie européenne.

Mais, selon le rapport, la compétitivité future de l'Europe dépendra de sa capacité à intégrer la durabilité environnementale dans son modèle économique, tout en assurant une harmonisation des politiques au sein de l'Union et avec les partenaires internationaux. A cet effet, Draghi préconise une harmonisation des normes environnementales et de reporting en matière de durabilité entre les États membres. Il identifie les disparités actuelles comme un obstacle à la compétitivité européenne, créant une fragmentation du marché intérieur. Une approche unifiée et concertée faciliterait la mise en œuvre de directives telles que la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et la CSDDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive), améliorant ainsi la transparence et la comparabilité des performances des entreprises en matière de durabilité.

Le rapport reconnaît aussi que l'Europe ne peut pas agir isolément et appelle à une coopération internationale renforcée. Draghi invite l'Europe à jouer un rôle de leader en promouvant des normes environnementales élevées au niveau mondial, tout en travaillant avec des partenaires comme la Chine et les États-Unis pour éviter une compétition déloyale et une course vers le bas en matière de réglementations environnementales. En mettant l'accent sur la nécessité d’un compromis, le rapport adopte une position pragmatique. Il propose des solutions équilibrées qui tiennent compte des impératifs climatiques sans négliger les réalités économiques.

Accompagner la transition écologique et climatique par des politiques européennes réalistes, concertées et coordonnées

Draghi souligne aussi que des objectifs climatiques ambitieux doivent être accompagnés de politiques réalistes qui prennent en compte les capacités actuelles des industries et des économies européennes. Il encourage une transition progressive, soutenue par des investissements publics et privés, ainsi que par des politiques d'accompagnement pour les secteurs et les travailleurs les plus touchés. Selon le rapport, la transition doit être juste et inclusive. Il met en garde contre les potentiels impacts sociaux négatifs et propose des mesures de formation et de reconversion professionnelle pour aider les travailleurs à s'adapter aux nouvelles exigences du marché du travail vert.

Le rapport Draghi offre une feuille de route pour une Europe compétitive et durable. En soutenant les objectifs climatiques de Bruxelles mais tout en reconnaissant la nécessité de compromis, il propose une stratégie équilibrée qui vise à renforcer la position de l'Europe sur la scène mondiale. Ce rapport marque à l’évidence une étape importante dans la réflexion sur l'avenir économique et environnemental de l'Europe. En défendant une approche qui concilie ambition climatique et pragmatisme économique, il ouvre la voie à des politiques qui pourraient servir de modèle à d'autres régions du monde. L'Europe, en tant que pionnière dans la lutte contre le changement climatique, a l'opportunité de démontrer que la durabilité peut être un moteur de compétitivité et de prospérité.

Emmanuel Millard, président ICFOA, vice-Président IAE Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Secrétaire général Endrix

Stéphane Bellanger, expert-comptable & conseil , commissaire aux comptes, analyste financier

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