«L’accord national interprofessionel est le reflet d’une dérive vers un système anglo-saxon»
Entretien avec Jean-Claude Mailly, secrétaire général Force ouvrière
Décideurs. Vous avez refusé de parapher l’ANI du 11 janvier 2013, quelles dispositions ont motivé ce refus ?
Jean-Claude Mailly. Le faux compromis trouvé à l’issue des négociations ne nous convient pas. Notre refus n’est pas l’expression d’une posture de revendication, il pointe du doigt plusieurs mesures destructrices de droits pour les salariés et néfastes pour l’emploi. Par exemple, l’accord introduit un barème des indemnités pouvant être inférieur à l’indemnité légale actuelle, ce qui risque de devenir une norme pour les juges. C’est un véritable recul pour les salariés dont le préjudice doit être apprécié au cas par cas. En parallèle, l’accord raccourcit les délais de prescription qui limitent par là-même le droit d’accès au juge de salariés. Le projet est déséquilibré économiquement. Alors qu’il devait permettre de renflouer les caisses de l’assurance chômage et de dissuader le recours aux contrats précaires, l’accord ne les soumets pas tous à une surtaxation. Au final, les recettes de l’assurance chômage risquent de diminuer.
Décideurs. Les accords de maintien dans l’emploi sont présentés comme des outils pour permettre aux salariés dont l’emploi serait menacé par la conjoncture de le conserver contre une baisse temporaire de salaire. Qu’en pensez-vous ?
Jean-Claude Mailly. Cette mesure n’est pas nouvelle et réintroduit les accords de compétitivité emploi. Même débarrassé de l’appellation et bien que paré d’apparentes précautions (transparence de l’information, durée maximale de deux ans, accords majoritaires), ce type d’accord permet d’ajuster les droits des salariés aux besoins des entreprises. Lorsque l’entreprise licenciera plus de dix salariés ayant refusé une baisse de salaire, elle ne sera plus obligée de mettre en place un PSE et procédera à un licenciement économique individuel, procédure beaucoup moins contraignante pour les employeurs. En outre, le projet ramène la négociation au niveau de l’entreprise. C’est le reflet d’une dérive vers un système anglo-saxon. L’homogénéisation des droits permise par la négociation de branche sera amputée dans son champ d’action et ce, au détriment de la protection des salariés.
Décideurs. Quelles sont les dispositions qui présentent un réel intérêt pour les salariés ?
Jean-Claude Mailly. Le compte personnel de formation est dans son principe une mesure positive. Mais je crains qu’il ne soit qu’une tête de gondole qui ne renferme qu’une mutation lexicale du DIF . De plus, la formation a déjà fait l’objet d’une négociation en profondeur et la multiplication des réformes n’œuvre pas pour la concrétisation du changement. Le projet de 2009 a déjà engendré une réorganisation en profondeur pour les OPCA et le Fongecif. La généralisation de la complémentaire santé est également une mesure que nous approuvons même si la clause de désignation a dû être réintroduite dans le projet de loi car elle permet de négocier au niveau de la branche des tarifs plus intéressants pour les entreprises et les salariés. Enfin, la taxation des contrats précaires et l’encadrement du temps partiel sont évidemment des propositions qui remportent notre adhésion. Seulement, ces mesures sont assorties de tellement d’exceptions qu’elles sont vidées de leur contenu.
Décideurs. Les modifications apportées dans le projet de loi représentent-elles une avancée ou suscitent-elles des inquiétudes ?
J-C.M. Le projet de loi modifie la qualification du licenciement suite au refus du salarié d’une mobilité interne. Désormais, le salarié sera licencié pour motif économique. C’est un changement qui était indispensable. Des amendements devraient préconiser l’encadrement temporel et géographique de cette mobilité. Cette orientation va dans le bon sens pour la préservation de la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle. Le législateur doit fixer des minimas et des principes généraux, cela rentre dans son champ de compétence délimité par l’article 34 de la constitution. Mais rien n’est encore gagné, les avancées sont aléatoires et le patronat reste le grand vainqueur de cette négociation. Notre objectif est de faire comprendre que le coût et la flexibilité du travail ne doivent pas être les seules variables d’ajustement de la compétitivité des entreprises. La flexibilité du social c’est le perdant de la rigidité économique.
Jean-Claude Mailly. Le faux compromis trouvé à l’issue des négociations ne nous convient pas. Notre refus n’est pas l’expression d’une posture de revendication, il pointe du doigt plusieurs mesures destructrices de droits pour les salariés et néfastes pour l’emploi. Par exemple, l’accord introduit un barème des indemnités pouvant être inférieur à l’indemnité légale actuelle, ce qui risque de devenir une norme pour les juges. C’est un véritable recul pour les salariés dont le préjudice doit être apprécié au cas par cas. En parallèle, l’accord raccourcit les délais de prescription qui limitent par là-même le droit d’accès au juge de salariés. Le projet est déséquilibré économiquement. Alors qu’il devait permettre de renflouer les caisses de l’assurance chômage et de dissuader le recours aux contrats précaires, l’accord ne les soumets pas tous à une surtaxation. Au final, les recettes de l’assurance chômage risquent de diminuer.
Décideurs. Les accords de maintien dans l’emploi sont présentés comme des outils pour permettre aux salariés dont l’emploi serait menacé par la conjoncture de le conserver contre une baisse temporaire de salaire. Qu’en pensez-vous ?
Jean-Claude Mailly. Cette mesure n’est pas nouvelle et réintroduit les accords de compétitivité emploi. Même débarrassé de l’appellation et bien que paré d’apparentes précautions (transparence de l’information, durée maximale de deux ans, accords majoritaires), ce type d’accord permet d’ajuster les droits des salariés aux besoins des entreprises. Lorsque l’entreprise licenciera plus de dix salariés ayant refusé une baisse de salaire, elle ne sera plus obligée de mettre en place un PSE et procédera à un licenciement économique individuel, procédure beaucoup moins contraignante pour les employeurs. En outre, le projet ramène la négociation au niveau de l’entreprise. C’est le reflet d’une dérive vers un système anglo-saxon. L’homogénéisation des droits permise par la négociation de branche sera amputée dans son champ d’action et ce, au détriment de la protection des salariés.
Décideurs. Quelles sont les dispositions qui présentent un réel intérêt pour les salariés ?
Jean-Claude Mailly. Le compte personnel de formation est dans son principe une mesure positive. Mais je crains qu’il ne soit qu’une tête de gondole qui ne renferme qu’une mutation lexicale du DIF . De plus, la formation a déjà fait l’objet d’une négociation en profondeur et la multiplication des réformes n’œuvre pas pour la concrétisation du changement. Le projet de 2009 a déjà engendré une réorganisation en profondeur pour les OPCA et le Fongecif. La généralisation de la complémentaire santé est également une mesure que nous approuvons même si la clause de désignation a dû être réintroduite dans le projet de loi car elle permet de négocier au niveau de la branche des tarifs plus intéressants pour les entreprises et les salariés. Enfin, la taxation des contrats précaires et l’encadrement du temps partiel sont évidemment des propositions qui remportent notre adhésion. Seulement, ces mesures sont assorties de tellement d’exceptions qu’elles sont vidées de leur contenu.
Décideurs. Les modifications apportées dans le projet de loi représentent-elles une avancée ou suscitent-elles des inquiétudes ?
J-C.M. Le projet de loi modifie la qualification du licenciement suite au refus du salarié d’une mobilité interne. Désormais, le salarié sera licencié pour motif économique. C’est un changement qui était indispensable. Des amendements devraient préconiser l’encadrement temporel et géographique de cette mobilité. Cette orientation va dans le bon sens pour la préservation de la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle. Le législateur doit fixer des minimas et des principes généraux, cela rentre dans son champ de compétence délimité par l’article 34 de la constitution. Mais rien n’est encore gagné, les avancées sont aléatoires et le patronat reste le grand vainqueur de cette négociation. Notre objectif est de faire comprendre que le coût et la flexibilité du travail ne doivent pas être les seules variables d’ajustement de la compétitivité des entreprises. La flexibilité du social c’est le perdant de la rigidité économique.