Par Aurélien Louvet, avocat associé. Capstan
Quel est le périmètre d’appréciation du motif économique de licenciement??
Le motif économique de licenciement s’apprécie au niveau de l’entreprise ou, si elle appartient à un groupe, au niveau du secteur d’activité du groupe auquel elle est rattachée. La détermination du secteur d’activité au sein duquel le motif économique va être apprécié constitue un véritable enjeu pour l’employeur, celui-ci étant soumis à l’appréciation du juge.
Les juges, en l’absence de définition légale, doivent apprécier la réalité du motif économique allégué par l’employeur. Celui-ci peut se fonder sur les difficultés économiques et les mutations technologiques mais également sur la nécessité de sauvegarder la compétitivité et, dans une certaine mesure, la cessation d’activité. Le motif économique s’apprécie, par principe, au niveau de l’ensemble de l’entreprise. Toutefois, si l’entreprise appartient à un groupe, le juge doit vérifier le caractère réel et sérieux du motif allégué au niveau du secteur d’activité du groupe dont elle relève.
Le secteur d’activité, un périmètre distinct de l’entreprise et du groupe
Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la Cour de cassation exclut
d’apprécier le motif économique non seulement au niveau de l’entreprise, seule «?la réalité de la suppression ou transformation d’emploi ou de la modification du contrat de travail étant appréciée [à ce] niveau?», mais également à celui de l’ensemble du groupe. Le cadre d’appréciation du motif économique de licenciement se situe donc en retrait du périmètre des recherches de reclassement, fixé au niveau du groupe. Concrètement, si la situation économique du secteur d’activité du groupe auquel l’entreprise se rattache n’est pas affectée, les suppressions d’emploi décidées en raison d’un motif économique constaté au niveau de l’entreprise sont privées de cause réelle et sérieuse de licenciement.
À l’inverse, une entreprise qui affiche des résultats satisfaisants peut valablement licencier un salarié sur la base de difficultés économiques ou de la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient. C’est à l’employeur qu’il revient de produire les éléments d’information permettant de connaître l’étendue exacte et la situation financière du secteur d’activité du groupe dont relève l’entreprise. Quant au juge du fond, il lui incombe de vérifier la pertinence de ce secteur d’activité.
Une notion floue et difficilement applicable...
La notion de secteur d’activité du groupe à laquelle la Cour de cassation renvoie s’avère relativement floue et difficile à appréhender pour l’employeur. Elle ne correspond, en effet, à aucune définition juridique existante que ce soit en termes de droit des sociétés, de droit du travail ou de droit de la concurrence. Le secteur d’activité du groupe auquel fait référence la jurisprudence doit être envisagé comme une notion fonctionnelle faisant référence aux liens économiques qui peuvent exister entre des sociétés dont les activités sont coordonnées. La spécialisation d’une entreprise au sein d’un groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un secteur d’activité plus étendu. L’employeur ne peut donc identifier le secteur d’activité à une clientèle, un marché particulier ou encore une spécialité technique. De même, «?le secteur géographique ne crée pas le secteur d’activité?» : l’implantation d’une entreprise dans un pays différent de ceux où sont situées les autres sociétés du groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un même secteur d’activité, au niveau duquel doivent être appréciées les difficultés économiques. Le secteur d’activité ne peut ainsi être réduit aux entreprises situées sur le territoire national, de sorte qu’il doit être «?tenu compte des résultats du secteur d’activité à l’étranger?».
La Cour de cassation a toutefois formulé une série d’indices dont la juxtaposition est susceptible de caractériser le secteur d’activité : la nature des produits, la clientèle à laquelle ils s’adressent, et le mode de distribution mis en œuvre. Concrètement, il a été admis que constituait un secteur d’activité unique la distribution en grandes surfaces à dominante alimentaire, le secteur du mobilier métallique, l’activité lubrifiant au sein d’un groupe pétrolier, ou encore les activités exercées dans le groupe relevant du secteur médical. Mais la ligne directrice de la jurisprudence reste encore difficile à cerner. Ainsi, des arrêts contradictoires ont par exemple été rendus sur le point de savoir si des gammes de prix différentes permettent ou non de scinder l’activité de fabrication d’un même produit en deux secteurs d’activité autonomes.
... peu compatible avec les spécificités organisationnelles des groupes
La définition large retenue par la Cour de cassation s’avère en pratique difficilement compatible avec certains modes d’organisation ou types d’activité des groupes (par filière, métier, activité, produit…), et ne tient pas suffisamment compte des marchés sur lesquels les entreprises interviennent. Une définition plus compatible avec les spécificités organisationnelles des groupes devrait être recherchée. Il serait ainsi opportun que la notion de secteur d’activité du groupe se rapproche de la notion plus étroite, du droit de la concurrence, de «?marché pertinent?» qui «?permet d’identifier et de définir le périmètre à l’intérieur duquel s’exerce la concurrence entre entreprises?». Cette approche permettrait notamment de s’affranchir du critère géographique très étendu retenu par la Cour de cassation pour identifier le secteur d’activité. Le cloisonnement de certains marchés (lié par exemple à la spécificité des réglementations nationales), ou encore l’affectation de chaque filiale locale à un marché unique, semblent en effet difficilement conciliables avec une appréciation transnationale du secteur d’activité.
L’employeur doit, en tout état de cause, se saisir de la question du périmètre du secteur d’activité du groupe au sein duquel le motif économique de licenciement doit être apprécié et déterminer en amont les éléments de nature à objectiver son choix. À ce titre, les éléments d’information remis aux représentants du personnel dans le cadre de la procédure d’information et de consultation sur le projet de réorganisation doivent venir définir par une série d’indices le secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise, périmètre pertinent d’appréciation du motif économique de licenciement.
Les juges, en l’absence de définition légale, doivent apprécier la réalité du motif économique allégué par l’employeur. Celui-ci peut se fonder sur les difficultés économiques et les mutations technologiques mais également sur la nécessité de sauvegarder la compétitivité et, dans une certaine mesure, la cessation d’activité. Le motif économique s’apprécie, par principe, au niveau de l’ensemble de l’entreprise. Toutefois, si l’entreprise appartient à un groupe, le juge doit vérifier le caractère réel et sérieux du motif allégué au niveau du secteur d’activité du groupe dont elle relève.
Le secteur d’activité, un périmètre distinct de l’entreprise et du groupe
Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la Cour de cassation exclut
d’apprécier le motif économique non seulement au niveau de l’entreprise, seule «?la réalité de la suppression ou transformation d’emploi ou de la modification du contrat de travail étant appréciée [à ce] niveau?», mais également à celui de l’ensemble du groupe. Le cadre d’appréciation du motif économique de licenciement se situe donc en retrait du périmètre des recherches de reclassement, fixé au niveau du groupe. Concrètement, si la situation économique du secteur d’activité du groupe auquel l’entreprise se rattache n’est pas affectée, les suppressions d’emploi décidées en raison d’un motif économique constaté au niveau de l’entreprise sont privées de cause réelle et sérieuse de licenciement.
À l’inverse, une entreprise qui affiche des résultats satisfaisants peut valablement licencier un salarié sur la base de difficultés économiques ou de la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient. C’est à l’employeur qu’il revient de produire les éléments d’information permettant de connaître l’étendue exacte et la situation financière du secteur d’activité du groupe dont relève l’entreprise. Quant au juge du fond, il lui incombe de vérifier la pertinence de ce secteur d’activité.
Une notion floue et difficilement applicable...
La notion de secteur d’activité du groupe à laquelle la Cour de cassation renvoie s’avère relativement floue et difficile à appréhender pour l’employeur. Elle ne correspond, en effet, à aucune définition juridique existante que ce soit en termes de droit des sociétés, de droit du travail ou de droit de la concurrence. Le secteur d’activité du groupe auquel fait référence la jurisprudence doit être envisagé comme une notion fonctionnelle faisant référence aux liens économiques qui peuvent exister entre des sociétés dont les activités sont coordonnées. La spécialisation d’une entreprise au sein d’un groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un secteur d’activité plus étendu. L’employeur ne peut donc identifier le secteur d’activité à une clientèle, un marché particulier ou encore une spécialité technique. De même, «?le secteur géographique ne crée pas le secteur d’activité?» : l’implantation d’une entreprise dans un pays différent de ceux où sont situées les autres sociétés du groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un même secteur d’activité, au niveau duquel doivent être appréciées les difficultés économiques. Le secteur d’activité ne peut ainsi être réduit aux entreprises situées sur le territoire national, de sorte qu’il doit être «?tenu compte des résultats du secteur d’activité à l’étranger?».
La Cour de cassation a toutefois formulé une série d’indices dont la juxtaposition est susceptible de caractériser le secteur d’activité : la nature des produits, la clientèle à laquelle ils s’adressent, et le mode de distribution mis en œuvre. Concrètement, il a été admis que constituait un secteur d’activité unique la distribution en grandes surfaces à dominante alimentaire, le secteur du mobilier métallique, l’activité lubrifiant au sein d’un groupe pétrolier, ou encore les activités exercées dans le groupe relevant du secteur médical. Mais la ligne directrice de la jurisprudence reste encore difficile à cerner. Ainsi, des arrêts contradictoires ont par exemple été rendus sur le point de savoir si des gammes de prix différentes permettent ou non de scinder l’activité de fabrication d’un même produit en deux secteurs d’activité autonomes.
... peu compatible avec les spécificités organisationnelles des groupes
La définition large retenue par la Cour de cassation s’avère en pratique difficilement compatible avec certains modes d’organisation ou types d’activité des groupes (par filière, métier, activité, produit…), et ne tient pas suffisamment compte des marchés sur lesquels les entreprises interviennent. Une définition plus compatible avec les spécificités organisationnelles des groupes devrait être recherchée. Il serait ainsi opportun que la notion de secteur d’activité du groupe se rapproche de la notion plus étroite, du droit de la concurrence, de «?marché pertinent?» qui «?permet d’identifier et de définir le périmètre à l’intérieur duquel s’exerce la concurrence entre entreprises?». Cette approche permettrait notamment de s’affranchir du critère géographique très étendu retenu par la Cour de cassation pour identifier le secteur d’activité. Le cloisonnement de certains marchés (lié par exemple à la spécificité des réglementations nationales), ou encore l’affectation de chaque filiale locale à un marché unique, semblent en effet difficilement conciliables avec une appréciation transnationale du secteur d’activité.
L’employeur doit, en tout état de cause, se saisir de la question du périmètre du secteur d’activité du groupe au sein duquel le motif économique de licenciement doit être apprécié et déterminer en amont les éléments de nature à objectiver son choix. À ce titre, les éléments d’information remis aux représentants du personnel dans le cadre de la procédure d’information et de consultation sur le projet de réorganisation doivent venir définir par une série d’indices le secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise, périmètre pertinent d’appréciation du motif économique de licenciement.