Michel David est le fondateur du cabinet de recrutement Creativevalue. Sa particularité ? Il travaille exclusivement avec des fonds de private equity dans la mise en place de managers investisseurs tels que des operating partners, board members, CEO ou CFO. Rencontre.
Décideurs. Existe-t-il un profil type de dirigeant de société sous LBO ? Est-il préférable que celui-ci ait eu à connaître auparavant ce schéma d'investissement ?
Michel David. En fonction des typologies d'opérations – développement ou retournement - sur lesquelles on sollicite nos services, oui il existe des profils types. La taille de l'entreprise compte également. Dans le cadre de la recherche d'un poste de chief executive officer (CEO), avoir déjà été CEO ou le dirigeant d'une business unit (BU) totalement autonome est un élément indispensable. Le dirigeant doit également disposer d'une connaissance approfondie du secteur d'activité dans lequel il est appelé à évoluer. Cela est moins vrai, toutefois, pour une entreprise du segment small-cap. Deux autres éléments me paraissent également fondamentaux : le premier, le dirigeant doit justifier d'un track record opérationnel irréprochable. Cela ne veut pas forcément dire qu'il doit déjà avoir mené des opérations sous LBO réussies, bien que cela puisse avoir un côté rassurant pour le fonds. Cette expérience est un plus, mais ce n'est pas déterminant. Le second élément sans doute le plus important est que le « candidat » doit être entrepreneur. Je dirai même que l'entrepreneuriat et ses valeurs doivent figurer dans son ADN.

Décideurs. Justement, quelles sont les qualités essentielles d'un CEO d'entreprise sous LBO ? Certaines sont-elles différentes de celles d'un CEO d'une entreprise plus classique ?
M. D. Ce manager a la particularité d'être seul face à ses actionnaires, c'est-à-dire un voire plusieurs fonds, et parfois même les créanciers (banques, mezzaneurs). Il doit savoir résister à une forte pression, la dépasser. Il s'avère indispensable qu'il soit porteur de projet et doué en leadership : doté d'un charisme et d'une capacité à entretenir ses troupes et le dynamisme de l'entreprise. Il doit enfin développer si ce n'est apporter la vision stratégique de l'entreprise. On attend de lui qu'il soit très opérationnel ou hands on comme on dit. C'est pourquoi l'on recherche des profils plutôt « seniors » de personnes ayant déjà exercé des responsabilités d'entreprise et disposant de bonnes capacités de négociation en termes transactionnels.

Décideurs. Est-il possible, aujourd'hui, qu'un candidat ne soit que manager et non manager-actionnaire de l'entreprise qu'il rejoint, si telle est sa volonté ?

M. D. Cela est totalement inenvisageable ! C'est dans l'esprit même du LBO. Dans toute opération montée ainsi, le manager a le droit et je dirais même le devoir d'investir. Il doit être nécessairement lié au capital de l'entreprise. Il réalise ce choix de prendre le poste en parfaite connaissance de cause, personne ne l'y oblige. Il doit croire dans l'entreprise qu'il rejoint. In fine, cette entrée au capital constitue le ciment de sa relation avec le fonds d'investissement actionnaire. Cela permet l'alignement total et complet de leurs intérêts respectifs.

Décideurs. De quelle manière trouvez-vous le « bon » candidat ?
M. D. Bien que l'on me considère comme un « chasseurs de têtes » mon business model est singulièrement différent des « firmes classiques"». Ils sont à l'opposé de mon mode de fonctionnement. Je m'appuie, pour ma part, sur l'ensemble de l'écosystème du private equity. Les fonds d investissement, les conseils(en stratégie, banquiers d’affaires, avocats…) me font rencontrer des CEO, board members ou candidats à l'aventure LBO, qu'ils ont pu rencontrer par ailleurs, au-delà des contacts directs de dirigeants eux-mêmes. Je les rencontre et je les recontacte ensuite plus tard. Je ne vois jamais quinze candidats pour un même poste. J'en rencontre un, deux voire trois, mais pas plus. Cela permet d'être extrêmement réactif lorsqu'un client sollicite mes services et d'arriver avec un seul candidat. L'unité de temps dans laquelle nous travaillons est l’heure, éventuellement le jour, et non la semaine ou le(les)mois. Pour moi, il y a trois clés de succès dans un recrutement : la connaissance de l'écosystème du private equity, la rapidité et la capacité à trouver le CEO à même d’entrer dans cet univers-là. Ce « marché » est particulièrement étroit.

Décideurs. Qu'est-ce qui vous fait dire « non » à un candidat ?
M. D. Ce sont essentiellement des éléments assez personnels. C'est-à-dire lorsque je ne ressens pas la fougue, la vision stratégique, l'envie ou la justesse de vue du candidat par rapport à l'opportunité qui s'offre à lui.

Décideurs. Accompagnez-vous le candidat jusqu'à sa prise de poste ?
M. D. Pour un candidat qui ne connaît pas le monde du private equity, oui plus particulièrement. Je le familiarise avec cet univers en lui expliquant son fonctionnement, ses enjeux ou encore les différences culturelles qu'il peut exister entre certains fonds. Il ne s'agit pas ici de « placer » quelqu'un en poste, mais de l'insérer dans une dynamique au cours de laquelle il devra présenter son business plan, démontrer la valeur ajoutée qu'il peut apporter et construire, avec son actionnaire, l'avenir de l'entreprise.

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