Par Florence Painchaud, consultante senior, et Ludivine Maestre, directrice d’Adelphis ACM Lille. Ferrein & Associés
Intelligence projective et recrutement
Recruter semble complexe. Les cycles de recrutement pour les cadres qui durent plusieurs mois doivent réduire les «?erreurs de casting?». Pourtant, toutes ces précautions ne permettent pas d’atteindre le risque zéro. Et si la solution résidait dans une approche différente du recrutement, dans une mesure objective d’éléments considérés comme subjectifs ? C’est ce que propose l’intelligence projective.
Souvent, les managers directs, ceux qui recrutent pour leurs équipes, souhaitent trouver «?le?» candidat, celui qui correspond en tout point à la définition de fonction et intègre parfaitement l’ensemble des critères techniques attendus. Cette attente est somme toute légitime. Ils subissent eux-mêmes la pression de leur hiérarchie sur leurs résultats. Leur enjeu est donc de répondre à des besoins immédiats de compétences, à une nécessité de productivité rapide dans une organisation préétablie. Pour examiner ces compétences, les entreprises mettent en œuvre de nombreux dispositifs : entretiens, mises en situations, prises de références, études de cas qui peuvent valider les différents aspects de la fonction. Pour autant, on ne peut limiter la réussite d’un recrutement à l’adéquation technique d’un candidat au poste. Se pose alors la question des ressources humaines. Au-delà de la compétence, comment définir et évaluer le potentiel d’évolution du nouveau collaborateur ? Comment s’assurer de sa capacité d’adaptation et de son développement dans l’entreprise à moyen et long terme ? Outre l’examen de ses compétences, le recruteur va analyser les aptitudes du candidat, son profil personnel, ses points forts et ses points de progrès. Le recruteur dispose de nombreux outils psychométriques et tests pour venir en appui de ces analyses. Bien que très riche et utile, cette approche tend souvent à isoler le candidat hors du contexte d’entreprise, à l’étudier en tant qu’individu et non en tant qu’acteur ou personnage, en interaction avec l’organisation. Parallèlement, afin de donner un sens au recrutement, il faut prendre en compte la motivation du candidat pour cette prise de poste. Qu’est-ce qui l’a porté jusqu’à présent dans ses choix professionnels ? (intérêt du poste, rémunération, autonomie…). Qu’est-ce qui le porte actuellement vers cette nouvelle fonction ? (reconnaissance, positionnement dans l’entreprise, rapprochement travail-domicile…). Les interrogations du candidat relèvent la plupart du temps d’une démarche personnelle et égocentrée : il est intéressé par le poste parce que ce dernier répond à ses critères, correspond à ses attentes et s’intègre dans son plan de carrière. Il se «?projette dans le poste?». Or si l’on analyse une telle démarche, on constate qu’elle prend rarement en compte le point de vue de l’entreprise, ses attentes.
Les nouveaux outils de recrutement pour les cadres
La montée en puissance des réseaux sociaux professionnels et des candidathèques a bouleversé la relation du candidat au monde du travail. D’un processus principalement unilatéral, où l’entreprise effectuait sa sélection après que le candidat eut fait acte de candidature spontanée, ou répondu à une annonce, nous sommes passés à un système plus interactif. Le candidat est plus visible pour le recruteur, son profil devient accessible par le biais de CVthèques sur Internet. C’est alors le recruteur qui approche le candidat compte tenu des profils «?recherchés?». Pas toujours préparé à «?répondre?» aux demandes «?express?» de mise en contact des recruteurs, le candidat se laisse guider par des «?offres?» bien souvent anonymes présentées hors du contexte de l’entreprise. La séduction se substitue-t-elle à une démarche rigoureuse de projet professionnel ? Si un marché de compétences rares peut induire cette problématique, il n’en va pas de même dans un marché plus large, sur des fonctions pour lesquelles les prétendants sont nombreux. Le recruteur est alors «?roi?» et mène cette fois la danse ! Dans ce cas, le futur recruté doit se façonner une image professionnelle en adéquation avec celle de l’entreprise compte tenu du poste «?idéalisé?». La même problématique, cette fois-ci inversée, se pose encore : la séduction au détriment d’une démarche de projet professionnel ? La proactivité du candidat sur son destin professionnel est-elle de ce fait un leurre ? Dans combien de cas le candidat examine-t-il en profondeur ses motivations, définit-il précisément ses attentes tant en termes de contenu de poste que d’environnement de travail ? Recruter, c’est finalement permettre une rencontre entre une personne qui a pour motivation individuelle de s’intégrer dans l’entreprise et dans son poste, et l’entreprise, qui cherche à introduire avec réussite le «?recruté?» dans ses projets collectifs. Or, ces deux dynamiques fonctionnent avec leur propre tempo. Comment les faire se rejoindre dans la même direction ?
L’intelligence projective, ou comment trouver l’adéquation entre la «?route?» et la «?carte?»
Préparer, anticiper son projet professionnel, c’est avoir une «?intelligence projective?», un projet individuel compatible avec les projets de l’entreprise ; c’est aussi la garantie de ne pas être en souffrance dans son poste. C’est ce que le recruteur doit évaluer lors de sa sélection de candidats. Les compétences sont primordiales, comme les aptitudes, dans un recrutement mais elles sont dénuées de sens sans les motivations pour le poste et l’entreprise. Identifier la «?route?» du candidat, son histoire professionnelle, son évolution, ses aptitudes, compétences et motivations, est essentiel lors d’un entretien. Le recruteur doit également être en mesure de délivrer une «?carte?» de l’entreprise et de l’environnement du poste proposé – son organisation, sa culture, son mode de management… Ces deux éléments de la «?route?» et de la «?carte?» sont les éléments clés d’un choix de recrutement éclairé. Aussi un recruteur avisé doit-il mesurer la capacité du candidat à se projeter dans le poste, son environnement et sa stratégie.
Une évolution professionnelle est fondée sur les coordonnées d’une situation à un instant t (la dernière expérience professionnelle du candidat) et sur les facteurs d’influence que sont les aptitudes, compétences et motivations. De façon sommaire, le recrutement est souvent basé sur l’évaluation des compétences et d’un potentiel. L’intelligence projective va plus loin en envisageant la combinatoire des aptitudes, compétences et motivations au regard d’un environnement d’entreprise défini.
Souvent, les managers directs, ceux qui recrutent pour leurs équipes, souhaitent trouver «?le?» candidat, celui qui correspond en tout point à la définition de fonction et intègre parfaitement l’ensemble des critères techniques attendus. Cette attente est somme toute légitime. Ils subissent eux-mêmes la pression de leur hiérarchie sur leurs résultats. Leur enjeu est donc de répondre à des besoins immédiats de compétences, à une nécessité de productivité rapide dans une organisation préétablie. Pour examiner ces compétences, les entreprises mettent en œuvre de nombreux dispositifs : entretiens, mises en situations, prises de références, études de cas qui peuvent valider les différents aspects de la fonction. Pour autant, on ne peut limiter la réussite d’un recrutement à l’adéquation technique d’un candidat au poste. Se pose alors la question des ressources humaines. Au-delà de la compétence, comment définir et évaluer le potentiel d’évolution du nouveau collaborateur ? Comment s’assurer de sa capacité d’adaptation et de son développement dans l’entreprise à moyen et long terme ? Outre l’examen de ses compétences, le recruteur va analyser les aptitudes du candidat, son profil personnel, ses points forts et ses points de progrès. Le recruteur dispose de nombreux outils psychométriques et tests pour venir en appui de ces analyses. Bien que très riche et utile, cette approche tend souvent à isoler le candidat hors du contexte d’entreprise, à l’étudier en tant qu’individu et non en tant qu’acteur ou personnage, en interaction avec l’organisation. Parallèlement, afin de donner un sens au recrutement, il faut prendre en compte la motivation du candidat pour cette prise de poste. Qu’est-ce qui l’a porté jusqu’à présent dans ses choix professionnels ? (intérêt du poste, rémunération, autonomie…). Qu’est-ce qui le porte actuellement vers cette nouvelle fonction ? (reconnaissance, positionnement dans l’entreprise, rapprochement travail-domicile…). Les interrogations du candidat relèvent la plupart du temps d’une démarche personnelle et égocentrée : il est intéressé par le poste parce que ce dernier répond à ses critères, correspond à ses attentes et s’intègre dans son plan de carrière. Il se «?projette dans le poste?». Or si l’on analyse une telle démarche, on constate qu’elle prend rarement en compte le point de vue de l’entreprise, ses attentes.
Les nouveaux outils de recrutement pour les cadres
La montée en puissance des réseaux sociaux professionnels et des candidathèques a bouleversé la relation du candidat au monde du travail. D’un processus principalement unilatéral, où l’entreprise effectuait sa sélection après que le candidat eut fait acte de candidature spontanée, ou répondu à une annonce, nous sommes passés à un système plus interactif. Le candidat est plus visible pour le recruteur, son profil devient accessible par le biais de CVthèques sur Internet. C’est alors le recruteur qui approche le candidat compte tenu des profils «?recherchés?». Pas toujours préparé à «?répondre?» aux demandes «?express?» de mise en contact des recruteurs, le candidat se laisse guider par des «?offres?» bien souvent anonymes présentées hors du contexte de l’entreprise. La séduction se substitue-t-elle à une démarche rigoureuse de projet professionnel ? Si un marché de compétences rares peut induire cette problématique, il n’en va pas de même dans un marché plus large, sur des fonctions pour lesquelles les prétendants sont nombreux. Le recruteur est alors «?roi?» et mène cette fois la danse ! Dans ce cas, le futur recruté doit se façonner une image professionnelle en adéquation avec celle de l’entreprise compte tenu du poste «?idéalisé?». La même problématique, cette fois-ci inversée, se pose encore : la séduction au détriment d’une démarche de projet professionnel ? La proactivité du candidat sur son destin professionnel est-elle de ce fait un leurre ? Dans combien de cas le candidat examine-t-il en profondeur ses motivations, définit-il précisément ses attentes tant en termes de contenu de poste que d’environnement de travail ? Recruter, c’est finalement permettre une rencontre entre une personne qui a pour motivation individuelle de s’intégrer dans l’entreprise et dans son poste, et l’entreprise, qui cherche à introduire avec réussite le «?recruté?» dans ses projets collectifs. Or, ces deux dynamiques fonctionnent avec leur propre tempo. Comment les faire se rejoindre dans la même direction ?
L’intelligence projective, ou comment trouver l’adéquation entre la «?route?» et la «?carte?»
Préparer, anticiper son projet professionnel, c’est avoir une «?intelligence projective?», un projet individuel compatible avec les projets de l’entreprise ; c’est aussi la garantie de ne pas être en souffrance dans son poste. C’est ce que le recruteur doit évaluer lors de sa sélection de candidats. Les compétences sont primordiales, comme les aptitudes, dans un recrutement mais elles sont dénuées de sens sans les motivations pour le poste et l’entreprise. Identifier la «?route?» du candidat, son histoire professionnelle, son évolution, ses aptitudes, compétences et motivations, est essentiel lors d’un entretien. Le recruteur doit également être en mesure de délivrer une «?carte?» de l’entreprise et de l’environnement du poste proposé – son organisation, sa culture, son mode de management… Ces deux éléments de la «?route?» et de la «?carte?» sont les éléments clés d’un choix de recrutement éclairé. Aussi un recruteur avisé doit-il mesurer la capacité du candidat à se projeter dans le poste, son environnement et sa stratégie.
Une évolution professionnelle est fondée sur les coordonnées d’une situation à un instant t (la dernière expérience professionnelle du candidat) et sur les facteurs d’influence que sont les aptitudes, compétences et motivations. De façon sommaire, le recrutement est souvent basé sur l’évaluation des compétences et d’un potentiel. L’intelligence projective va plus loin en envisageant la combinatoire des aptitudes, compétences et motivations au regard d’un environnement d’entreprise défini.