Les sources du leadership et quelques ingrédients cachés
Les ingrédients classiques du Leadership sont connus : charisme, vision, loyauté, changement,système de valeurs… Les évoquer est une chose, les maîtriser une autre. Mais à côté de ces grands classiques, quelles sont les sources plus profondes, les « ingrédients cachés » du Leadership ?
1- Audace et persévérance
L’audace, comment y croire, dans ce monde si incertain ? Est-elle la marque indéfectible du leader ? Quand le présent pèse, le leader pense à l’avenir. Il trouve le temps de penser au futur, et d’y croire. Il trouve le courage de penser différemment. De faire différemment. Paradoxalement, l’audace n’est qu’une forme de prudence. Faire comme les autres serait la garantie de disparaître dans la nuée. Faire comme les autres serait le plus grand risque. Être audacieux, de façon intelligente, est l’assurance d’exister. L’audace est un mélange de raison et d’intuition, de courage raisonnable et d’ambition irrationnelle, de convictions personnelles qui lui donne le coup d’avance. Sans la raison, l’audace n’est qu’un coup d’éclat sans lendemain. Sans l’intuition, l’audace n’est qu’un coup de communication sans impact. L’audace sans la persévérance n’est rien. Ce n’est qu’un caprice, un feu de paille. Sans la persévérance, elle n’est que témérité. Audace et persévérance sont deux ingrédients rares, et pour peser sur la marche du monde, leur alliance est aussi rare, que nécessaire. La persévérance est une qualité fondamentale du leadership. Gandhi auraitil pu renverser le joug britannique sans y consacrer une vie entière ? Steve Jobs aurait-il pu révolutionner l’informatique sans surmonter les échecs multiples ? Edison confiait que la lampe à incandescence avait été un succès après cent tentatives. Chaque tentative – chaque échec dirait-on – était l’occasion trop belle d’abandonner. Edison a choisi de persévérer, d’apprendre de chaque loupé, pour enfin réussir. Quand l’audace rejoint la persévérance, l’un des ingrédients rare du leadership est en place.
2 - Équilibre & Énergie
Le deuxième ingrédient méconnu, c’est l’Énergie. Mais cette énergie trouve son socle dans l’équilibre, et le sens des équilibres. L’énergie, cette force qui porte le leader, et qu’il dégage et transmet, est la condition sine qua non de la persévérance et du succès du projet. Comment tenir bon face aux doutes, à l’adversité, sans l’Énergie physique et mentale de rebondir en cas d’échec, et d’avancer face aux obstacles ? Cette force n’est pas (ou peu) innée. Elle vient de nombreux facteurs qui demandent du travail : la solidité de la vision, la clarté du chemin proposé pour l’atteindre, la cohérence des valeurs affichées et pratiquées, la hiérarchisation des problèmes pour traiter, les unes après les autres, les difficultés… L’énergie vient aussi de la cohésion de l’équipe dont il prend la charge. Le leader apporte autant qu’il puise en énergie dans son équipe. La puissance morale de la « mission » qu’il poursuit est un autre socle fondamental. Ensuite, chaque victoire vers la cause poursuivie vient ressourcer en énergie le leader. Et, paradoxalement chaque leçon tirée de l’échec, peut aussi apporter en puissance : « Ce qui ne nous tue pas nous renforce ». Au niveau personnel, le leader doit cultiver cette énergie dans la recherche d’équilibres, physiques et mentaux. Au niveau physique, il ne faudrait pas oublier que l’homme est un animal biologique, et que le cerveau doit être alimenté en ressources, nutritionnellement et par l’alchimie que procure le sport. Un esprit sain, un corps sain. Steve Jobs faisait de son alimentation un art. Nicolas Sarkozy, dont l’énergie troublait même ses détracteurs, se ressourçait par le jogging. Au niveau mental, l’équilibre est une notion aussi ignorée qu’importante. Tous les grands leaders s’appuient sur leur histoire, leurs racines, leur passé, pour savoir où ils vont, pour trouver l’énergie de s’aventurer. L’équilibre vient de la façon dont chaque leader appréhende son passé, mais aussi de comment il gère son présent, son quotidien. Se laisser distraire, perturber, par un couple qui boîte, un foyer désordonné, n’est pas la marque des grands leaders. Il arrive que certains jeunes dirigeants fassent l’impasse sur une vie de famille dans leurs jeunes années, ce fut le cas de Steve Jobs : mais les déséquilibres qui en résultent sont manifestes… Famille et chez-soi sont des sanctuaires qui peuvent apporter tellement en repos, en recul, en énergie et créativité, qu’ils font de facto partie de l’équation du leadership. Enfin, il faut mettre en lumière que le leader a un sens des équilibres. Dans sa lecture du monde, de son industrie, de son entreprise, il analyse, comprend et tient compte de ce « savoir tacite ». Ces « équilibres » sont des équilibres politiques, économiques, humains ou sociaux. Il sait les comprendre pour les respecter, ou les modifier. Ce sens de « jeux de force » en action est intimement lié à la capacité de pensée systémique. Cette maîtrise de l’équilibre, c’est aussi le sens de l’équité, dans les relations interpersonnelles, ou inter-firmes. Le leader, bâtisseur de relations, est par construction bâtisseur et garant de l’équité, tant pour obtenir (une productivité élevée, une part de valeur ajoutée, un effort…) que pour donner (la juste rémunération, le statut mérité…). Etre l’arbitre des équilibres, ce n’est pas cautionner le statu quo. La force du leader est de lire les équilibres de façon dynamique. Il sait respecter un équilibre en place, comme poser un nouvel ordre. Mais quand il impulse le changement, le mouvement, le leader sait que l’équité exige que dans le nouvel ordonnancement qui se dessine, tous doivent trouver une place convenable voire améliorée.
3 - Pensée systémique, action systémique
La capacité de penser systémiquement, et agir systémiquement, est probablement la plus secrète et la plus rare des compétences des leaders. Encore faut-il expliquer le concept de systémique, et la cause de sa rareté. Pour avoir un impact sur le monde, il faut en comprendre la complexité, première étape de sa maîtrise. Puis il faut se mettre en situation d’agir sur les différents paramètres qui le compose, et enfin, agir. Les spécialistes définissent un système comme « un ensemble complexe et dynamique, interagissant comme une unité fonctionnelle structurée ». Une entreprise est un système. Une industrie un système plus vaste encore comprenant clients, concurrents, régulateurs… Le monde est un système plus grand encore. Pour réussir, il faut au leader la capacité de comprendre non seulement les rouages de son entreprise, de son industrie mais aussi les évolutions profondes de son environnement politique, économique et social. Et de diriger en conséquence. La maîtrise de la complexité est une gageure. Chaque système est une pièce intimement complexe dans un ensemble plus vaste et plus compliqué encore. Il faut donc le temps, l’intelligence puissante et l’expérience de modéliser chaque sous-ensemble, chaque ensemble, mais aussi chaque relation entre les parties et le Tout. Triste raison de la rareté des leaders : l’Occident a désappris à penser en système ! Favorisant l’analyse sur la synthèse, la pensée et l’éducation occidentale a longtemps dominé le monde en spécialisant ses élites : certains se forment à n’être que d’excellents juristes, à l’université, d’autres de redoutables managers en finance ou marketing, en école de commerce, les troisièmes d’habiles politiciens, à Sciences-Po, les quatrièmes, apprennent les rouages de l’État a l’ENA… Mais quels sont ceux qui reçoivent la formation de maîtriser la diversité de ces problématiques, sciences et systèmes qui s’interpénètrent ? Académiquement, aucun. L’Orient, plus versée dans la pensée systémique, contemple les équilibres, assure l’Harmonie, et a gardé une longueur d’avance dans l’art de la synthèse. Autre problème lié a la spécialisation des tâches, en Occident, ceux qui ont le temps de penser (professeurs, think tank…) sont coupés de l’action (et ses leçons). Et ceux qui sont dans l’action, managers et dirigeants, n’ont jamais assez de temps pour prendre l’indispensable recul, contempler les systèmes en place, leurs rouages multiples, leurs interactions subtiles, qui se combinent, s’annulent et s’influencent. Et pourtant, ils doivent décider, agir, diriger. Il est clé de ne pas perdre le Tout au bénéfice d’une Partie. Le Marketing n’est rien qu’une partie, qui doit fonctionner en harmonie avec les sous-systèmes Finance, Production, RH et management des Talents,... Les biographies de grands leaders soulignent souvent ce paradoxe : leur sujet est capable d’avoir la « vision globale » (les Anglo-Saxons diraient « big picture »), et à la fois, de connaître chaque détail de leur entreprise. Le paradoxe n’est qu’apparent : la pensée systémique relie les micro-éléments au système d’ensemble, au Tout. Une personnalité occidentale brille de mille feux, à la croisée des sciences mais aussi des arts, Léonard de Vinci. Penseur systémique, acteur fécond de son siècle, inventeur de génie. Un dernier mot sur cet ingrédient rare : il appartient à chaque leader de corréler les points en sous-systèmes, les sous-systèmes en un système global, mais surtout il doit partager cette connaissance pour permettre le succès de son aventure. Seul il ne pourra jamais dominer toutes les complexités, de ces situations et systèmes en mouvement, linéaire ou pas, et prédire la suite de l’Histoire. Voire l’écrire…
4 - Introspection
L’introspection, et le courage de travailler sur soi-même. Devenir Leader est un apprentissage ardu qu’aucun livre ne peut complètement livrer : pour acquérir les compétences de meneurs d’hommes, la persévérance d’abattre des montagnes et l’humilité d’écouter plus petit que soi, entre autres talents rares, il faut passer par un chemin presque impossible. Ce chemin est invisible, ardu, introspectif, personnel, truffé de pièges mortels qui vous grandissent, et de pièges d’orgueil qui vous éloignent. Ce chemin de vie, psychique et intime, ne peut être observé par personne d’autre que soi, et n’est compris d’aucun observateur. Même si d’occasionnels mentors interviennent à différentes phases, la route escarpée est longue, et l’autosatisfaction rend tentant au plus exigeant des voyageurs de s’arrêter. L’introspection, c’est le courage de travailler sur soi-même. Deux tâches titanesques méritent d’être accomplies. Tout d’abord, celle d’oser affronter ses démons, ses défauts, ses failles. Un fait partie des options douloureuses et peu appréciées. Souvent, seul l’échec conduit à entreprendre cette route. Ensuite, celle d’oser dépasser ces qualités supposées parfaites. Les personnes persuadées d’être au sommet de leur art, qui sont légion, ne sont pas prêtes à se dépasser. Et pourtant, il faut « sans cesse remettre sur le métier l’ouvrage », continuer d’apprendre, grandir, s’enrichir même et surtout quand le succès vient inciter à l’indolence. Ces quelques (ingrédients) secrets du Leadership ne sont pas exhaustifs. Une seconde partie de cette analyse sera publiée prochainement pour évoquer d’autres aspects méconnus et fondamentaux du travail du Leader. Vos idées, retour d’expérience, sont les bienvenus, pour que, petit a petit, l’art de maitriser son destin devienne science...