L’Institut Montaigne donne la parole aux experts
La réponse au chômage de masse dans un monde du travail en mutation, c’est le développement des compétences, de l’apprentissage. Tel était le fil conducteur de la matinée. Muriel Pénicaud, ministre du Travail, ouvre les discussions en affirmant sa volonté d’approfondir le dispositif du compte personnel d’activité. La ministre souhaite en effet que les actifs deviennent les véritables acteurs de la gestion de leurs parcours professionnels, ce qui passe par les choix de leur formation. Elle estime qu’il en est de la responsabilité collective des entreprises et des services publics : « Il est urgent de miser sur l’investissement des personnes, de l’humain. »
Les ordonnances Macron : une première étape
Les ordonnances Macron portant réforme du code du travail sont évidemment à l’honneur. Selon Bertrand Martinot, économiste, ces ordonnances, principalement axées sur la flexibilité et le dialogue social, ne bénéficient qu’à l’employeur. Elles ne participent pas à la sécurisation des parcours professionnels des salariés. En accord avec ces propos, Thierry Pech, directeur général du think tank Terra Nova, considère que ces mesures ne suffisent pas en effet à elles seules à réduire durablement le chômage, mais elles constituent l’élément déclencheur d’une dynamique. Les réformes à venir seront donc déterminantes.
Autonomie et accompagnement
L’ensemble des intervenants s’alignent cependant sur un point : il faut accorder plus d’autonomie aux individus afin de les inciter à développer des compétences annexes qui leur seront utiles face à la transition numérique et l’évolution rapide des besoins des entreprises qu’elle génère. Sandra Enlart, directrice générale du réseau associatif Entreprise&Personnel, souligne toutefois l’importance de mener une « réelle réflexion sur l’accompagnement » avant de développer les compétences. La déclaration d’autonomie doit intégrer l’intermédiation pour le conseil en évolution professionnelle. Une fonction à laquelle Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, est particulièrement attaché : « Les métiers d’accompagnement sont des véritables métiers. Il faut laisser la place à ceux qui sont sur le terrain. »
Diffuser une nouvelle culture de la formation
Pour Emmanuelle Barbara, avocate spécialiste en droit du travail chez August Debouzy, le problème est avant tout culturel : « Aujourd’hui, qui dit formation et mobilité, dit punition », faisant référence aux plans sociaux. Un constat que partage largement Estelle Sauvat, directrice générale de Sodie, cabinet de conseil en ingénierie RH : « La formation intervient souvent à la rupture du contrat de travail. » Pour contrer cet état de fait, Sandrino Graceffa, directeur général de la société Smart, croit beaucoup en la volonté des employeurs : l’acquisition de compétences tout au long de la carrière doit aussi être faite au sein des entreprises. La formation doit être déscolarisée. Franck Hertzberg, directeur des ressources humaines du groupe Mgen-Istya-Harmonie, poursuit en évoquant l’urgence de changer de logique : « Nous sommes dans une société de réparation. Alors que nous nous dirigeons vers une généralisation progressive des ruptures professionnelles, il faut au contraire anticiper. »
Le rôle de l’entreprise est alors de diffuser cette nouvelle culture, celle des carrières non linéaires mais faites de ruptures successives et inévitables, faire connaître le droit à la formation et s’assurer que son usage soit efficient. L’objectif : responsabiliser les individus. Chez Safran Electronics, une équipe est totalement dédiée à la prospective. Elle effectue un travail de veille sur l’évolution des compétences. Sabine Haman, directrice des ressources humaines, déclare en effet que « pour rendre quelqu’un autonome, il lui faut une vision sur ce qu’il se passe autour de lui, ce qui n’est pas simple avec le rythme de vie actuel ». Mais tous s’accordent à dire qu’il ne faut pas non plus tout attendre de l’entreprise. À titre d’exemple, le compte personnel d’activité regroupe plusieurs comptes valorisés en heures et non en euros. Ils estiment qu’une valorisation monétaire des droits à la formation grâce à un cofinancement salarié/entreprise inciterait directement les actifs à exiger des résultats.
Les espoirs se tournent donc désormais vers la très attendue réforme de la formation professionnelle, prévue à l’automne prochain.
Amandine Mujinga