La modernité et la fluidité du dialogue social est un enjeu de taille pour Goodyear Dunlop dont l’histoire a été marquée par les conditions de la fermeture de l’usine d’Amiens-Nord. C’est avec conviction et engagement que son DRH, Jean-Philippe Cavaillé, détaille ses actions.

Décideurs. La plupart des DRH accueille favorablement les ordonnances travail. Est-ce également votre cas ?

Jean-Philippe Cavaillé. J’ai apprécié et répondu favorablement à l’invitation qui nous a été faite de participer à des groupes de travail sur ce sujet par le ministère du Travail avant l’adoption des textes. Je retiendrai notamment la volonté manifeste que traduit ces textes de simplifier et accélérer l’aspect formel des relations sociales, ce qui devrait contribuer à renforcer l’agilité et la qualité du temps consacré à notre dialogue social.

Comment évoluer vers un dialogue social renforcé et « professionnalisé » ?

Le dialogue social est l’une des clés de notre marque employeur et représente donc une opportunité majeure. Nous devons cesser d’aborder chaque sujet de négociation isolément, en simple exécution d’obligations légales, et promouvoir au contraire un dialogue social qui contribue pleinement à nos politiques sociales. Cela permettra de libérer la perception de nos managers, acteurs centraux du dialogue social, perception encore trop souvent déformée par le conflit et les contraintes juridiques. À ce titre, au sein de Goodyear Dunlop France, nous avons par exemple négocié un accord d’accompagnement de carrière de nos salariés (Partenariat et évolution professionnelle salariés : Pep’s). Il est destiné à construire, enrichir et rendre visible l’ensemble des actions managériales et ressources humaines destinées au développement de carrière de chacun d’entre nous. La qualité de cet accompagnement dépendra directement d’un travail collaboratif de longue durée sur ce sujet avec nos représentants du personnel.

Ensuite, dialogue et négociation relèvent avant tout d’une histoire de femmes et d’hommes, qui se rencontrent, se comprennent, se font confiance et sont habités par un puissant sentiment d’appartenance à l’entreprise. La fonction ressources humaines contribue directement au développement des connaissances et des compétences nécessaires au succès de cette rencontre, notamment à travers le sens donné aux décisions prises, la régularité et l’ouverture des échanges, l’anticipation des sujets proposés et la formation.

« Le dialogue social est l’une des clés de notre marque employeur »

Comment faire évoluer le rôle des représentants du personnel ?

Nous avons besoin de partenaires sociaux compétents, représentatifs et reconnus, qui soient mis en position de maîtriser le contexte concurrentiel, financier, économique et stratégique.ll est aussi essentiel de saisir chaque opportunité permettant des prises de risques réciproques. C’est la prise de risque, la démonstration d’une volonté réciproque de prendre ses responsabilités, qui permettent de démontrer la confiance, de la faire vivre : un contrat individuel ou collectif n’existe qu’à la condition d’un véritable engagement personnel entre négociateurs. C’est précisément ce qui donne la possibilité d’oser, de « sortir du cadre » et de négocier des engagements qui soient vraiment responsabilisants, avec un réel impact sur la communauté de travail. Bien sûr, réussir suppose humilité, écoute, droit à l’erreur, recherche du compromis, disponibilité. Autant de comportements que nous devons tous cultiver, en particulier dans notre exercice du dialogue social.

Vous êtes donc favorable à la place prise par l’accord collectif ?

Un accord collectif formel reste légalement et symboliquement un outil indispensable, mais nous avons recours de plus en plus souvent à d’autres formes moins rigides et tout aussi puissantes, représentatives de notre envie de proximité, d’informel, de fluidité et de confiance dans le dialogue : chartes, communications communes…

Enfin, améliorer l’efficacité du dialogue social doit être régulièrement questionné, en fonction des changements d’interlocuteurs, un contexte, de sujets. Nous devons notamment progresser dans l’application des accords et décisions, aller « jusqu’au bout », et renforcer l’énergie et le temps que nous consacrons à tirer les enseignements de cette application. Rien n’est définitivement acquis. Par exemple, au sein de Goodyear Dunlop nous organisons chaque année une rencontre complètement informelle et conviviale avec nos partenaires sociaux pour évaluer les résultats de l’année écoulée, ce qui a fonctionné ou non, et comment faire mieux, avant d’aborder les perspectives de l’année suivante pour nous donner de la visibilité.

«  Le code du travail ne sera jamais un frein ou une aide à la manière dont la fonction ressources humaines est positionnée »

Cette réforme aura-t-elle pour effet de renforcer l’aspect stratégique de la fonction RH ?

Le code du travail ne sera jamais un frein ou une aide à la manière dont la fonction ressources humaines est positionnée. Il s’agit simplement d’un cadre et d’un outil qui doit définir clairement et simplement les droits et obligations de l’employeur et du salarié, en partant de la réalité culturelle, économique et sociale d’un pays. Le positionnement de la fonction ressources humaines est indépendant de cette réalité. Il dépend d’abord de la manière dont chaque « RH » perçoit lui-même la nature, l’ampleur et la valeur de sa contribution à l’entreprise. Bien évidemment, la culture de l’entreprise joue également un rôle important.

Chacun peut – et doit – définir son terrain d’influence et d’action. Afin d’être légitime et efficace, un DRH doit avant tout comprendre, se passionner et parler « le langage de l’activité ». Il doit comprendre en profondeur les besoins des clients, le contexte concurrentiel et les atouts compétitifs sur lesquels la direction générale souhaite capitaliser pour définir sa vision. Il doit enfin accompagner chacune des fonctions dans l’implémentation de cette vision et faire de même pour sa propre fonction ressources humaines.

Son rôle est avant tout de faciliter, car il est au croisement de toutes les fonctions, parties prenantes et enjeux : il cherche en permanence à réconcilier les attentes à court terme et moyen terme, celles des managers et celle des salariés, celle de l’entreprise et celles des représentants du personnel... Le DRH est le premier garant d’un vivre ensemble productif et durable dans l’entreprise.

 

Propos recueillis par Marie-Hélène Brissot

 

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