Nutriset, humaniste et précurseur
L’histoire de l’entreprise fait echo à l’engagement de son fondateur, Michel Lescanne. Il se lance dans l’aventure en 1986 avec l’ambition de nourrir les enfants sous-alimentés en fournissant des produits innovants et efficaces aux acteurs humanitaires. Implantée en Normandie et employant près de 200 personnes, Nutriset a pour clients principaux les organisations internationales et l’ONU - en particulier, dont elle est le premier fournisseur français. Son développement offre un bel exemple de conciliation de la profitabilité avec une mission d’entreprise humaniste.
Innovation
Après ses premiers laits thérapeutiques, l’entreprise conçoit ce qui est aujourd’hui son produit phare, Plumpy’ Nut®, une pâte alimentaire à base d’arachide prête à l’emploi qui permet de lutter contre la malnutrition d’un enfant en quatre à six semaines, sans hospitalisation. A l'origine de son succès, une volonté d'innovation marquée qui se traduit par d'importants investissements en R&D. De quoi permettre un élargissement de l'offre progressif, du traitement vers la prévention, jusqu'à viser aujourd'hui "l'autonomie nutritionnelle pour tous". Dernier axe de recherche : la femme enceinte et allaitante à laquelle l'entreprise consacre aujourd'hui ses travaux.
Un réseau responsable
En 2005, Nutriset lance un réseau de franchises. Baptisé PlumpyField, il compte aujourd’hui neuf structures localisées au cœur même des pays en développement : Nigeria, Burkina Faso, Éthiopie, Haïti… L’objectif ? Participer au développement de la région, faciliter la prise en charge de la malnutrition chronique et assurer une meilleure réactivité face aux urgences. Ce réseau lui-même est perçu comme une source d’innovation potentielle. Erwan Chapuis, directeur général de Nutriguinée, filiale créée début 2018, confiait ainsi à Commodafrica « À terme, nous souhaiterions pouvoir utiliser l’huile de palme et le sucre de Guinée. Nous comptons aussi développer de nouveaux produits avec des formulations locales à base de céréales et légumineuses locales comme le maïs, le riz, le fonio et le niébé. »
Gouvernance novatrice
En 2015, la direction du groupe entame des travaux avec les professeurs d’une chaire de l’école des Mines ParisTech et décide de se doter d’un « objet social étendu » (OSE). Première entreprise à l'expérimenter, elle modifie ses statuts pour inclure la mention de sa mission : « apporter des propositions efficaces aux problématiques de nutrition/malnutrition ». Adeline Lescanne-Gautier, directrice générale, explique alors à Paris Innovation Review « L’objet social étendu nous permet ainsi de bien articuler l’opérationnel et le versant gouvernance. En d’autres termes, de sortir de la seule bonne volonté du fondateur pour pérenniser et développer une culture d’entreprise originale. » Le dispositif prévoit la mise en place d’une commission OSE, composée de cinq membres qualifiés. Elle se réunit une fois par an pour évaluer la performance de la direction au regard des engagements pris dans les statuts puis rend un rapport aux actionnaires.
Entreprise à mission ?
Le modèle de gouvernance innovant de Nutriset donne à l'entreprise un caractère précurseur. Il entre en résonnance avec le rapport Notat-Senard remis au gouvernement en préparation du projet de loi Pacte, et qui recommande l’instauration d’un nouveau statut juridique d’ « entreprise à mission », destiné aux structures souhaitant allier mission sociétale et rentabilité. D’après un sondage réalisé par Prophil/HEC/Viavoice en février 2018, l’idée séduit la grande majorité des chefs d’entreprise, favorables à 70 % à la création de ce cadre juridique spécifique. Les dirigeants de Nutriset ont d’ailleurs apporté leur soutien à l’émergence de ce nouveau statut. Mais ils avertissent : « Cela devra se faire de manière exigeante, c’est-à-dire en reprenant des critères d’engagement et de contrôle dans la gouvernance. C’est cette condition qui permettra d’éviter tout effet d’aubaine ou d’affichage. » Ils sont d’ailleurs signataires, au sein d’un collectif de cinquante entrepreneurs, d’une tribune* parue en juin 2018. Sollicitant la reconnaissance de l’entreprise à mission par la future loi Pacte et d’un dispositif destiné à contrôler l’exercice de cette mission, l’article conclut à la nécessité pour la loi d'aider « les entreprises à placer au cœur de leur projet la résolution des enjeux de société, sociaux et environnementaux. »
Marie-Hélène Brissot
*La Tribune, 19 juin 2018
Chiffres-clés
1 personne sur 9 dans le monde est sous-alimentée
10 millions d'enfants bénéficient chaque année de produits Nutriset