Désormais « simple adhérent » de FO, après en avoir été le secrétaire général pendant presque quinze ans, Jean-Claude Mailly est loin de penser à la retraite. Aujourd’hui senior advisor pour le cabinet de conseil Alixio et membre du Comité économique et social européen, il livre son regard sur le paysage syndical français.

Décideurs. Qu’est-ce que le syndicalisme à la française ?

Jean-Claude Mailly. L’histoire syndicale de notre pays est forte, elle remonte à 1884 avec la création de la CGT suivie par la CFTC en 1919. Force ouvrière, initialement la CGT-FO est née d’une scission avec la CGT en 1948. Tous ces syndicats sont concernés par une spécificité bien française : ils sont indépendants de l’État. Il s’agit d’un élément essentiel. Cela s’est décidé en 1906, lors du 9e congrès de la CGT, avec l’adoption de la Charte d’Amiens qui reste une ­référence pour le syndicalisme en France… C’est un peu notre bible !

On parle d’une crise de la représentativité des syndicats en France. Qu’en pensez-vous ?

Le taux de syndicalisation en France – sauf entre 1936 et 1945 – n’a jamais été extrêmement élevé. Dans notre pays, la syndicalisation n’est pas obligatoire, l’ensemble du système est fondé sur le volontariat. Dans ces conditions, les salariés français n’ont pas à rougir de la façon dont ils sont représentés. Le mode de relations sociales, spécifique, issu de ce système, que l’on ne retrouve pas dans d’autres pays, témoigne d’un fort attachement des Français aux valeurs républicaines. Je pense notamment aux branches professionnelles.

Les branches, justement, ont été au cœur des débats sur les ordonnances travail. Quel doit être leur rôle ?

L’une de nos missions dans le cadre de la concertation sur les ordonnances travail était de les sauver, de sauver un minimum d’égalité de droit. Cela n’a pas été facile à obtenir. Aujourd’hui, nous assistons à un mouvement de décentralisation du pouvoir de l’État vers ­l’entreprise que je trouve dangereux. Les branches doivent garder un pouvoir fort. Par ailleurs, cette décentralisation vers l’entreprise et l’amenuisement du rôle des branches risquent de modifier durablement le visage du syndicalisme en France.

Comment faire évoluer l’image des syndicats auprès des salariés ?

Les Français ont une propension à classer les syndicats du côté des institutions, de l’État. Cette vision appartient au « vieux monde » et nous tentons de la faire évoluer. Le travail quotidien des syndicats auprès des salariés consiste à modifier cette image. La communication, la proximité, jouent un rôle important dans la démarche.

Comment passe-t-on de FO à Alixio ?

Je suis une sorte d’hyperactif, je savais que j’allais quitter mes fonctions de secrétaire général de FO, mais il était impensable pour moi de prendre « vraiment » ma retraite. J’ai donc décidé de créer mon entreprise de conseil et de travailler en collaboration avec le cabinet Alixio. Ma mission consiste à promouvoir la RSE dans les entreprises. Il y a quinze ans, ce sujet était un gadget marketing. Aujourd’hui je suis convaincu que la RSE est un facteur de compétitivité. Je pense notamment qu’il faut développer le système des fondations, trop peu nombreuses à ce jour.

Roxane Croisier

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