Agnès Touraine (IFA) : « Les erreurs et les échecs font partie du métier de dirigeant »
Décideurs. La définition du succès est personnelle et subjective. Quelle est la vôtre ?
Agnès Touraine. Le succès est le fait de parvenir en équipe à réaliser les objectifs que l’on s’est fixés… en incluant l’ensemble des parties prenantes.
Vous vous êtes engagée en faveur d’une modernisation de la gouvernance des entreprises. Dans quel contexte est né cet engagement ?
Il est né de la conviction profonde qu’une gouvernance exemplaire est un avantage compétitif pour les entreprises, comme pour le pays dans son ensemble d’ailleurs. L’éthique et le courage sont plus que jamais les vertus indispensables des dirigeants. Certains voient la gouvernance comme une source de contraintes, ou la cantonnent à un rôle de conformité alors qu’elle est bien plus que ça. Parfois, les patrons supportent mal les conseils d’administration, ils les perçoivent comme une remise en cause personnelle. Cette réaction se retrouve encore en France notamment, où l’évaluation est souvent vécue comme une critique ou une sanction. Les contre-pouvoirs sont nécessaires et constructifs. Ils permettent de gagner en compétitivité.
Il est important de rappeler qu’en France la gouvernance a fait des progrès considérables. Il faut s’en féliciter et persévérer. Nous sommes en tête de tous les pays en termes de parité sans oublier le faible cumul des mandats aujourd’hui, les strictes notions d’indépendance, le rajeunissement en âge et la diversité des compétences et expériences professionnelles.
La passion est-elle un moteur de réussite ? Diriez-vous qu’elle vous a amenée à prendre des risques et donc à vous autoriser l’échec ?
Oui, la passion est indispensable. J’ai dirigé de grandes entreprises et j’ai beaucoup de respect pour les décideurs, pour tous ceux qui ont le courage de s’engager. D’autant que la tâche des chefs d’entreprise n’a jamais été si complexe : elle impose de prendre en compte la vitesse avec laquelle le monde change, dans un contexte de globalisation et de transformation des business models et des sociétés ainsi que de difficultés à établir des prévisions... Il s’agit de prendre en compte l’ensemble des parties prenantes : d’établir des scenarios « what if » ainsi que choisir et motiver ses équipes. A un niveau stratégique, il y a souvent plusieurs réponses possibles.
Le contrôle des risques est évidemment nécessaire, la prise de risques maîtrisée est indispensable. L’acceptation des erreurs et des échecs fait partie du métier de dirigeant.
Quel message aimeriez-vous diffuser aux décideurs de demain ?
Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins en présences de mutations majeures. Pour y faire face, l’engagement et le courage sont des valeurs et des vertus essentielles.
Propos recueillis par Marie-Hélène Brissot