J.Bouchet (Groupe JLO) : "Initier un retour d'expérience pour capitaliser sur les bonnes pratiques"
Quels enseignements tirer de la période que nous traversons au niveau de la prévention des RPS ?
Tout d’abord, on ne peut que constater la très grande diversité des situations et ressentis des salariés. Selon qu’ils sont ou aient été en chômage partiel, en télétravail ou en activité sur site, ce n’est bien entendu pas le même vécu et les mêmes contraintes. Indépendamment de cela, on constate, via les remontées de notre ligne d’écoute psychologique, via les échanges que nos consultants ont avec les dirigeants, les managers, les collaborateurs, un impact sur toutes les catégories de facteurs de risques psychosociaux : intensité et temps de travail, exigences émotionnelles, autonomie, rapports sociaux, conflits de valeurs, insécurité de la situation de travail. Parallèlement, on a observé une prise de conscience et une très grande réactivité des organisations dans la mise en place de dispositifs de soutien et d’accompagnement de leurs managers et collaborateurs. On relèvera aussi que cette situation exceptionnelle a permis de révéler que la formation et l’outillage des managers sur la mise en œuvre de nouvelles modalités d’organisation du travail devaient être renforcés. Les déficits avaient déjà été identifiés depuis longtemps. Je pense particulièrement au télétravail dont différentes études ont montré l’absence ou l’insuffisance de l’accompagnement proposé aux managers, alors même que le télétravail était déjà déployé dans leur organisation.
Qu’est-ce que cela signifie pour la suite ?
À ce jour, nous sommes dans l’incertitude et je pense que cela va durer encore un moment. Indépendamment des obligations réglementaires sur lesquelles nous pourrons revenir, de notre point de vue, un retour sur expérience doit être initié dès que possible. Cette analyse permettra de capitaliser sur les bonnes pratiques, les ajustements organisationnels, les modalités de collaboration mis en œuvre durant cette période. A titre non anecdotique, ce travail peut permettre à chacun de trouver davantage de sens dans ce qui a été vécu, voire même à en tirer des bénéfices sur l’organisation individuelle et collective du travail, et donc faciliter la remobilisation. À propos du télétravail encore, on entend que la révolution est en marche, certains suggérant sa généralisation.
Il serait dommageable de ne pas conduire une analyse outillée des avantages et inconvénients à télétravailler
Il serait à coup sûr dommageable de ne pas conduire une analyse outillée des avantages et inconvénients à télétravailler les activités, de ne pas préciser les conditions de mise en œuvre, de ne pas évaluer les moyens et ressources dédiées à l’accompagnement du télétravail.
Quels sont les pièges à éviter dans le cadre de la reprise ?
Ce que l’on entrevoit aujourd’hui, notamment concernant les obligations réglementaires comme l’actualisation du Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels dans le contexte de l’épidémie de Covid-19, est une tendance à la prescription décorrélée des réalités de terrain. En plus d’être un outil de pilotage effectif et efficace de la prévention des risques, cette démarche d’actualisation du DUERP est une opportunité pour mettre en place une dynamique de discussion autour du travail. C’est dans cette perspective que l’articulation entre performance et santé se concrétisera. Seule la proximité avec le terrain permettra de repenser de nouvelles modalités de collaboration en lien avec les contraintes de distanciation sociale par exemple. De la même façon, au niveau de l’actualisation des objectifs, il pourrait se révéler contre-productif de ne pas analyser avec les managers opérationnels les implications des changements organisationnels induits par la situation.
Jérôme Bouchet, directeur de l'innovation et des services, Groupe JLO