Digitalisation des RH : on accélère !
Dans l’imaginaire collectif français, la fonction RH est sous-estimée, bien souvent cantonnée aux tâches administratives et à la paperasse. Un préjugé tenace qui explique en partie, selon Guillaume Koch, "le retard pris en matière de digitalisation par rapport à d’autres fonctions". L’associé du cabinet Keyrus Management, en charge de la practice People & Change, pointe du doigt "le hiatus existant entre une expérience client très digitalisée et une expérience collaborateur qui l’est beaucoup moins".
Mais les choses sont en train de bouger. Les derniers mois ont vu "les freins à la transformation numérique se déverrouiller les uns après les autres". Et les entreprises adoptent de plus en plus une "pensée servicielle" qui met "clients et collaborateurs sur un plan d’égalité". Un changement d’état d’esprit qui pourrait bien orienter les investissements sur la modernisation de la fonction. À condition toutefois, prévient l’expert, de ne pas se cantonner à "la dématérialisation des bulletins de paie et autres coffre-forts électroniques".
Leader des transformations
La digitalisation touche désormais tous les aspects de la fonction : suivi des collaborateurs, des carrières, des autorisations d’absences, des recrutements, des formations ou encore de la gestion des temps. Elle pousse la profession à se réinventer. "Les directions des ressources humaines, estime Guillaume Koch, doivent s’imposer comme les vrais transformateurs de leur entreprise". Il leur appartient, par exemple, "d’outiller les nouvelles façons de travailler" ou de créer du lien entre les différents métiers de l’entreprise. Il leur reste, cependant, à conquérir les comités exécutifs et "reprendre sous leur aile la position de chief transformation officer (CTO)". Un poste qui "devrait disparaître des organigrammes" à leur profit tant il serait légitime que "la fonction RH soit le vecteur naturel de la transformation". Signe que les clichés ont la dent dure. Pourtant, conseille Guillaume Koch, il suffirait "de développer, au sein des ressources humaines, les data analytics pour asseoir l’objectivité de la profession" et, du même coup, la revaloriser.
"Les directions des ressources humaines doivent s’imposer comme les vrais transformateurs de leur entreprise"
Humaniser
Libérées par la digitalisation des tâches les plus répétitives, les ressources humaines peuvent davantage s’investir dans la vie de l’entreprise et se pencher notamment sur le suivi des carrières des collaborateurs. Mais comment parvenir à faire adhérer tous les collaborateurs à tant de changements ? En amont du déploiement, un long travail d’accompagnement et d’écoute est essentiel, car la digitalisation peut effrayer certains employés. Afin d’amorcer les chantiers en douceur, les équipes RH doivent donc faire preuve de patience et d’une certaine forme de pédagogie. L’enjeu ? Montrer que ces transformations permettent aux ressources humaines d’être plus présentes, plus attentives aux besoins des collaborateurs.
L’exemple du recrutement est à ce titre évocateur. Session vidéo, test écrit, rendez-vous physique ou test ludique de personnalité, les employeurs disposent désormais de nombreux outils pour recruter et ce en soignant l’expérience candidat. Une mission cruciale quand on sait combien il est difficile de dénicher des talents agiles au profil adapté.
16% des recruteurs utilisent le jeu dans leurs process
Le numérique permet ainsi de réenchanter le processus de recrutement et, in fine, de booster l’attractivité des entreprises qui l’utilisent. Utilisé par 16% des recruteurs, selon une enquête réalisée par le cabinet Robert Walters, le jeu transforme les processus en des moments clés pour valoriser sa marque employeur et les postes à pourvoir. La tendance est au "recrutainment". Mais, le jeu doit être employé avec modération et adapté à la population visée. C’est ce qu’a montré la polémique autour de Rise of a Soldier, le jeu vidéo que l’armée américaine a utilisé pour recruter… s’attirant les foudres du grand public choqué par l’emploi d’un jeu pour recruter des militaires. La seule manière d’éviter ces écarts et d’assurer la cohérence de l’approche consiste à se recentrer sur les collaborateurs et leurs attentes. Ce qui constitue bien le cœur de la fonction RH et sa valeur ajoutée.
Anne-Sophie David, Marianne Fougère