É.Beaudouin (Oasys): " “Sois lucide”, voilà mon conseil aux personnes en transition"
Décideurs. Que vous évoque la notion d’empire à laquelle votre rapprochement récent avec Oneida fait écho ?
Éric Beaudouin. On en est très loin ! Cette idée ne nous ressemble pas du tout.Nous avons la chance d’exercer des métiers d’accompagnement, c’est une vocation qui nous rassemble. Ceci dit, cela ne nous empêche pas de nourrir des ambitions. Comment, en effet, voulez-vous donner du sens à ce que vous faites, si personne ne vous connaît ? Les équipes d’Oasys & Cie aspirent à devenir référentes dans leur domaine. Personnellement, je m’en fiche un peu de monter sur la première marche du podium, d’être le plus gros acteur de la place. Par contre, je souhaite que l’on nous consulte sur des sujets à forts enjeux. Qu’est-ce qui vous a conduit à épouser ce métier ? C’est un mélange de rencontres et de hasards. J’ai démarré ma carrière en 1983 après un DESS en gestion du personnel, supervisé par Jean-Marie Peretti, que je devais valider avec un stage de fin d’études. Me voilà donc chez Saint-Gobain qui vient de licencier 150 de ses collaborateurs... Comme je suis diplômé et plutôt débrouillard, le DRH du site me donne alors pour mission d’accompagner les salariés dans leur recherche d’un nouvel emploi. Je passe la durée de mon stage à les aider à faire leur CV et à passer des coups de fil aux patrons du coin. J’ai rédigé mon mémoire sur le reclassement professionnel. Un métier complètement nouveau à l’époque mais sur lequel Bernard Paoli, le fondateur de BPI, veut se lancer. On me dirige vers lui, il m’embarque dans l’aventure.
Pourquoi, dès lors, quitter le navire ?
J’ai quitté BPI en 2005 avec le désir de ne plus avoir de chef à qui rendre des comptes ou entre les mains duquel remettre mon destin. Mais je ne me sentais pas l’âme d’un entrepreneur pour autant. En réalité, c’est un confrère, mon premier associé, qui m’a poussé à monter Oasys. Nous avons très vite embauché une grande équipe. Je ne me voyais pas faire du "Beaudouin consulting". Pour être tout à fait honnête, je suis un peu fainéant (rires). Je passe facilement le relais aux autres et m'entoure de personnes très compétentes pour masquer ma propre incompétence.
"J'ai un côté un peu fainéant (rires), je passe facilement le relais aux autres"
Que faut-il déduire de votre style de leadership ?
Chez Oasys, nous articulons le rôle des managers au tryptique suivant: donner du sens, piloter l'activiter, développer les compétences. Je ne suis pas sûr de cocher toutes les cases ! Je donne sans doute du sens mais en étant toujours dans le doute, dans l’inquiétude de savoir si ce que l’on fait est bien, si l’on ne pourra pas faire mieux. Cette capacité à saisir au premier coup d’œil les points de détail qui grattent peut être déstabilisante voire désobligeante pour les équipes. Je ne crois pas être un pilote de génie, je m’en remets plutôt à mes repères de Normand, pour qui un sou est un sou. Mais je n’ai pas que des défauts ! Je me retrouve assez bien dans le servant leadership très à la mode ces jours-ci, même si je préfère le terme de « manager-jardinier ». Que murmurer à l’oreille d’un cadre-dirigeant en pleine transition ? « Sois lucide », voilà mon conseil aux personnes en transition.Tous les cadres-dirigeants ne parviennent pas à porter un regard objectif sur leurs points forts et leurs points faibles. D’ailleurs, ce n’est pas parce que vous avez été cadre dans un grand groupe que vous allez nécessairement réussir la deuxième partie de votre carrière. En matière de reconversion, le champ des possibles est infini mais si vous ne demeurez pas sur vos gardes, si vous ne cultivez pas le doute, cela ne fonctionne pas.
Propos recueillis par Marianne Fougère