De plus en plus présente dans notre société, la crise sanitaire a marqué et accéléré la mise en place du télétravail dans notre mode de vie. Nicolas Mancret, avocat associé chez Jeantet, revient sur ce bouleversement des mœurs et sur la manière dont les entreprises et leurs partenaires sociaux ont dû s’adapter.

Décideurs. La crise sanitaire a massivement accéléré la généralisation du télétravail dans les entreprises. À ce sujet, ont-elles toutes tenu des négociations avec les représentants du personnel ?

Nicolas Mancret. Oui, à la suite d’un accord national interprofessionnel (ANI) signé au mois de novembre 2020, les entreprises ont dû procéder à des négociations avec les représentants du personnel. Concrètement, l’accord instaure une obligation pour les entreprises de s’entretenir avec les partenaires sociaux afin de mettre en place une politique de télétravail. Pèse donc sur l’employeur une obligation destinée à obtenir un accord collectif, établir une charte ou à défaut trouver un accord par tous les moyens entre le salarié et l’employeur comme en dispose l’article L.1222-9 alinéa 3 du Code du travail. Par conséquent, le télétravail n’est ni un droit, ni une obligation, mais résulte d’un accord entre le salarié et l’employeur.

"Certains salariés ne disposent pas d’un logement où l’environnement est propice au travail à distance"

Y a-t-il eu des points de tension lors de ces négociations avec les partenaires sociaux ?

La prise en charge des frais liés au télétravail peut être un sujet délicat pour les entreprises. En effet, il appartient à chaque société de définir, toujours avec ses partenaires sociaux, les éléments qui seront pris en charge. Certains accords prévoient par exemple le remboursement de siège ergonomique, ou encore de matériel afin que les employés puissent travailler dans des conditions confortables, à leur domicile. Néanmoins, certains contentieux sont toujours en cours et une jurisprudence importante est à venir à ce sujet. Je pense notamment aux titres-restaurants, comme en témoigne une affaire dont a eu à connaître le tribunal judiciaire de Paris le 30 mars 2021 qui a affirmé qu’un salarié en télétravail peut tout de même bénéficier de titres-restaurants.

"D’un point de vue RH, une entreprise doit toujours veiller à la cohésion de ses équipes et à la continuité des interactions entre ses salariés"

Des sondages et études affirment que certains salariés sont inquiets du "retour en présentiel". Comment ces inquiétudes se manifestent-elles ?

Je comprends ces inquiétudes qui sont légitimes, les salariés ont pris de nouvelles habitudes, tant dans leur vie professionnelle que dans leur vie personnelle. Il est par exemple possible que certains d’entre eux aient déménagé sans en avertir leur direction. Les partenaires sociaux sont conscients de cela et doivent désormais négocier avec les entreprises afin de leur faire comprendre que le télétravail peut être une solution durable et un nouveau mode de travail. À cet effet, un accord relatif au télétravail dans la fonction publique a été signé le 13 juillet 2021. Celui-ci fixe les modalités en instaurant trois jours de travail en présentiel et deux jours de télétravail. Cette solution paraît satisfaisante, car elle assurerait le bon fonctionnement de l’entreprise tout en maintenant une bonne coordination au sein des équipes.

De leur côté, les entreprises sont-elles inquiètes ?

Les entreprises peuvent se montrer inquiètes dans la mesure où elles ne souhaitent pas autoriser plus de deux ou trois jours de télétravail par semaine. Cela s’explique par le fait que d’un point de vue RH, une entreprise doit toujours veiller à la cohésion de ses équipes et à la continuité des interactions entre ses salariés. C’est pourquoi, les sociétés s’efforcent de trouver un équilibre en essayant d’instaurer dans les négociations un nombre de jours maximum de travail à distance.

Dans les accords relatifs au télétravail, quelle place prend la question de l’hyperconnexion ?

Dans les accords passés, la question de l’hyperconnexion est directement reliée à celle de la déconnexion qui constituait déjà une préoccupation pour les entreprises. L’arrivée de la crise sanitaire a donc remis cette problématique au centre du sujet dans la mesure où il est plus difficile pour un employeur de contrôler à distance le respect du temps de travail par ses salariés. Ainsi, lors de la conclusion des accords, il est important de faire valoir le droit à la déconnexion afin d’éviter, à terme, les risques psychosociaux.

Concrètement, de quelle manière s’est déroulée la mise en place du télétravail ?

Cela a dû se faire en plusieurs étapes. Il a fallu dans un premier temps déterminer quels salariés étaient éligibles au télétravail, dans la mesure où tous n’étaient pas forcément concernés, à la suite de quoi nous nous sommes penchés sur les cas qui nécessitaient d’être encadrés davantage. Il est important de prendre en considération le fait que certains salariés ne disposent pas d’un logement où l’environnement est propice au travail à distance. Ainsi, il nous a fallu définir des critères objectifs accordant le télétravail ou non, ce qui a débouché sur une phase de test dont l’utilité résidait dans le fait que le salarié comme l’employeur pouvaient mettre fin au télétravail. Cela a permis à chacun de voir si sa situation était adaptée à ce nouveau mode de travail ou non et ainsi prendre individuellement la décision la plus appropriée.

Propos recueillis pat Clémence Galland

Entretien avec Nicolas Mancret, avocat associé, Jeantet

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