A. de Bonneville : "La séduction des candidats doit passer par les nouveaux modes de travail et la rémunération"
Décideurs. En cette période de sortie de crise, comment se porte le marché du recrutement des fonctions juridiques et des avocats ?
Arnaud de Bonneville. L’année 2021 a été très positive avec des mouvements et des recrutements dans le secteur juridique. Les mandats et les créations de poste ont été nombreux. Les demandes de recrutement affluent avec un marché qui a évolué. En effet, les attentes des entreprises et des candidats ne matchent pas toujours.
Quelles sont les attentes des candidats ?
La pandémie a rebattu les cartes : les candidats, notamment ceux ayant cinq à six ans d’expérience, sont très attentifs au télétravail et certains n’hésitent pas à postuler à des emplois très éloignés de leur domicile. Par ailleurs, les critères RSE sont aujourd’hui très présents. Il faut être en mesure de "marketer" les entreprises, notamment industrielles, pour leur projets environnementaux (réduction des émissions de CO² par exemple). Les candidats étant tous en quête de sens, ce critère est fondamental aujourd’hui pour eux.
"Les cabinets de recrutement ont un rôle important à jouer pour faire le lien entre le client et le candidat"
Comment se positionnent les entreprises face à ces demandes ?
Toutes les entreprises ou presque mettent en place des accords de télétravail. Nous sensibilisons néanmoins les candidats quand ils sont sur une prise de poste à se rendre souvent sur site, ne serait-ce que pour faciliter leur onboarding qui constitue une période importante lors d’un changement de poste. C’est même un investissement. On a pu observer des profils qui, effrayés par la crise sanitaire pour des raisons personnelles, ne se sont pas suffisamment rendus sur leur lieu de travail et cela a entraîné un échec sur la prise de poste.
Les cabinets de recrutement ont un rôle important à jouer pour faire le lien entre le client et le candidat dans ces moments-là. C’est à nous de sensibiliser les candidats sur l’importance des premiers contacts avec les équipes. Certains cabinets se sont retrouvés devant le fait accompli avec des postulants qui habitaient à plus de 300 kilomètres de leur lieu de travail parce qu’ils avaient décidé unilatéralement de passer plus de temps en télétravail. Ce comportement est difficilement acceptable. Sur ce point très précis, il existe une dichotomie de vision entre les managers et les candidats de la jeune génération.
Quel est l’état des lieux des rémunérations post-pandémie ?
Depuis l’été 2021, de grosses réflexions ont été menées. C’est indéniable, tous les cabinets d’avocats ont augmenté leurs rémunérations. On parle de 10 % à 15 % d’augmentation pour la première année. Les gros cabinets sont passés à 100 000 euros pour les premières années. Et les autres cabinets d’avocats ont suivi en cascade.
Côté entreprises, la réflexion est en cours. Celles qui souhaitent attirer des profils disposant de quatre à cinq ans d’expérience doivent définir le bon positionnement et les bons éléments pour être attractives. Les candidats sont exigeants mais toutes les entreprises n’en ont pas encore pris la mesure, exception faite pour les start-up et les scale-up où les salaires sont particulièrement élevés, avec notamment la mise en place d’actions et d’intéressement.
Quels sont les secteurs qui recrutent le plus aujourd’hui ?
Le domaine du M&A / Private Equity est toujours très demandeur. Or, on constate une pénurie de candidats dans ce domaine. Il est compliqué de faire bouger les candidats. Les domaines du social et du financement sont en tension également. Aujourd’hui, le constat est que nous sommes réellement sur un marché de candidats : ils sont en demande de reconnaissance et ne souhaitent pas bouger pour rien. La séduction auprès des candidats doit passer par les nouveaux modes de travail et la rémunération.
Entretien avec Arnaud de Bonneville, associé, Tillerman Executive Search