En France, à partir de 2030, les entreprises auront deux ans au maximum pour se mettre en conformité avec l'objectif de 40% de femmes dans les instances dirigeantes. Corinne Cipière, membre du Comité Exécutif d’Allianz France et Directrice Service Client, commente les données de l’étude réalisée par l’ONU Femmes et YPO, dont elle est membre.

Décideurs. Comment parvenir à une plus grande parité au sein des instances dirigeantes ?

L’étude d'YPO avec l’ONU Femmes a été effectuée sur un panel de dirigeants dans 57 pays et quasiment autant de femmes que d’hommes y ont participé. Le but : objectiver les données et révéler les leviers existants afin de faire progresser l’équité entre les sexes au sein des organisations et créer une culture d’inclusivité. Ces leviers existent et les résultats sont assez clairs. Les dirigeantes et dirigeants YPO interrogés évoquent le fait d’avoir recours à des formations sur les biais de genre, d'être vigilants concernant l’aménagement du temps de travail et plébiscitent surtout le fait d’augmenter la diversité des genres au niveau des postes de leadership. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : quand une femme dirige son entreprise, 44% des cadres supérieurs sont constitués de femmes, contre 26% lorsqu’il s’agit d’un homme dirigeant. Si l’écart se résorbe globalement concernant le nombre de femmes et d’hommes en entreprise, il se creuse davantage lorsqu’il s’agit des sphères dirigeantes

Les biais de genre sont encore importants et les stéréotypes présents. Comment les combattre ?

De nombreux progrès ont été réalisés concernant les biais de genre mais l’équilibre reste précaire. L’étude révèle bien la nécessité de la présence des femmes au sein des instances de pouvoir pour contrer les préjugés car cela permet de multiplier les modèles et profils de leadership. Mais ce combat concerne aussi les hommes. Ils peuvent également présenter une incarnation moins virile du pouvoir. En discutant, au sein des groupes de partage d'YPO avec des dirigeantes et des dirigeants, on réalise que chacun a des points de vulnérabilité. Le changement doit être culturel et inclusif.

Faut-il davantage faire briller "les modèles féminins" ?

Derrière cette question, il existe une dimension culturelle. Il faut permettre aux modèles qui ne correspondent pas aux stéréotypes du leadership au masculin de s’exprimer. L’initiative d’accélérer la parité s’inscrit dans une démarche d’inclusion et de diversité. De manière générale, les profils qui sont en minorité dans une organisation ne peuvent exister que si on leur laisse l’espace pour exprimer leurs singularités. Afin d’agir en ce sens, sourcer davantage les talents féminins, les identifier et les faire grandir dans l’entreprise s’avère important. Il existe également un phénomène d’autocensure chez certaines femmes, comme le simple fait de prendre la parole pour exprimer son point de vue dans une réunion – phénomène amplifié par le distanciel. Le networking, les cercles de pairs comme le propose YPO et le mentorat offrent la possibilité de travailler cette dimension.

Le levier le plus efficace pour éliminer les préjugés sexistes : la diversité des genres dans le leadership (source : ONU Femmes et YPO, mars 2022)

L’étude révèle que les femmes sont encore plus attachées au fait d’être appréciées et jugées comme sympathiques que les hommes. Que faire de cette information ?

L’étude ne se veut pas prescriptive mais souhaite éveiller les consciences. Concernant cette information, l’enjeu de l’éducation partout dans le monde est d’une grande importance. Durant l’enfance, les femmes ont bien souvent été plus bridées que les hommes. On leur demande davantage d’être appliquées et sages pour avoir la validation de leurs aînés. Les garçons possèdent entièrement la cour de récréation pour jouer au foot tandis que les filles ne débordent pas en jouant à la marelle. La psychologie des genres et la sociologie soulignent comment l’éducation peut conduire les femmes à être plus en attente de l’approbation et de la validation des autres pour avancer.

Seulement trois femmes à la tête du CAC 40 ? L’imposition des quotas était donc nécessaire ?

L’étude YPO/ONU Femmes ne se positionne pas sur la question des quotas. Ma recommandation personnelle est de faire le bilan de certaines initiatives avec quotas comme la loi Copé-Zimmermann en France, et de comparer ces résultats dans les pays qui ne disposent pas ce type de loi. Les chiffres ont leurs vertus. Le collectif Sista, qui vise à mesurer et promouvoir la mixité dans l’économie numérique, l’évoque parfaitement avec son slogan : "Il faut compter les femmes pour que les femmes comptent."

Un chiffre important de cette étude ?

L’attention portée à la santé mentale. Cette préoccupation ressort particulièrement chez les dirigeantes et dirigeants. La pandémie a fortement impacté la santé des collaborateurs. L’équilibre vie personnelle/vie professionnelle semble plus ténu. Nous devons le restaurer, retrouver des rituels qui permettent une forme de déconnexion. Par ailleurs, l’incertitude permanente de ces deux dernières années avec la pandémie, et aujourd’hui le conflit entre la Russie et l’Ukraine ont aussi des effets négatifs. Chez Allianz France, nous proposons ainsi à nos collaborateurs l’accès à l’application « Mon mental et moi » en partenariat avec Kelindi  et « Bien dans ma tête » en partenariat avec Santéclair pour nos assurés. 

Que peut-on souhaiter aux femmes dirigeantes ?

La conciliation de priorités souvent contradictoires a été révélée lors de cette étude comme l’une des problématiques majeures des dirigeantes et dirigeants. Dans le cercle de pairs YPO dont je fais partie, c’est un sujet sur lequel nous échangeons régulièrement qui est très libérateur. Mon souhait premier est donc à la fois que les leaders, femmes ou hommes, parviennent à cette conciliation, et que les femmes dirigeantes prennent la place pour exprimer leurs singularités. Libérer la parole des profils qui sont en minorité dans une organisation, valoriser les modèles féminins constituent deux impératifs pour davantage de parité. 

 

Propos recueillis par Elsa Guérin

 

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