Horaires décalés, tâches pénibles, salaires bas, autant d’éléments qui font baisser la cote des métiers de l’hôtellerie-restauration et du médico-social. Brigad, plateforme de mise en relation entre recruteurs et talents de ces secteurs pour des missions ponctuelles, défend l’évolution d’un modèle du travail à bout de souffle. Rencontre avec Florent Malbranche, son CEO et co-fondateur.
F. Malbranche (Brigad) : "Se sacrifier sous couvert de vocation n’est plus d’actualité"
Décideurs. Malgré des secteurs en forte demande, l’hôtellerie-restauration et le médico-social connaissent une pénurie de personnels. Comment revaloriser ces métiers désertés ?
Florent Malbranche. L’attractivité d’un métier se mesure sur trois plans. En premier lieu, la qualité des conditions de travail s’évalue à la balance entre vie personnelle et professionnelle. Puis, la rémunération, que j’isole volontairement des conditions de travail, se présente comme un pilier à part entière de la valorisation. Pour les nouvelles générations, se sacrifier sous couvert de vocation n’est plus d’actualité. Enfin, la capacité d’évoluer et de se projeter est indispensable. Personne ne rejoindrait un emploi qui ne lui permet pas de savoir où il sera dans quelques années et sans se voir confier de nouvelles tâches.
Ce dernier point s’illustre parfaitement dans le secteur médico-social. Si une aide-soignante témoigne d’une montée en qualification au fil de sa carrière, elle effectuera ce même travail à vie sans autres débouchés. Dans ce cadre, créer, notamment, une passerelle du métier d’aide-soignant vers celui d’infirmier et encadrer le système dans un parcours de carrière participerait à la revalorisation des métiers de santé.
Quel parallèle faites-vous entre ces deux secteurs ?
Tous deux souffrent des mêmes maux à un rythme différent. De son côté, l’hôtellerie-restauration fait encore rêver car il existe des perspectives d’évolution. C’est en train de disparaître.
En réalité, il est essentiel de prêter attention aux mots que l’on emploie. Ces métiers sont trop souvent considérés comme « peu qualifiés ». Outre le fait que ce soit faux, ces termes dévalorisent des vocations que les jeunes quittent avant même la fin de leur formation. À l’heure actuelle, 20% des élèves en études de soins infirmiers abandonnent leurs études en cours de route.
"L’hôtellerie-restauration fait encore rêver car il existe des perspectives d’évolution. C’est en train de disparaître"
Quelles sont les particularités de l’approche de Brigad ?
La vraie particularité réside dans la possibilité pour ces profils de reprendre la main sur leur carrière en travaillant à leur compte. Alors que les entreprises décrivent leurs besoins sur notre plateforme, les professionnels concernés choisissent librement leurs prestations. La qualité de la mise en relation est garantie, car basée uniquement sur des compétences vérifiées. Pour l’employeur, cette façon de fonctionner allie rapidité et efficacité.
N’avez-vous pas inversé le rapport entre offre et demande de travail ?
Complètement. D’ailleurs, nous en sommes assez fiers. L’hôtellerie-restauration et le médico-social représentent deux activités dans lesquelles il y a plus de demandes que d’offres. Pourtant, le comportement des recruteurs n’est pas aligné avec les faits. Bien qu’ils ne soient pas en position de force, il semble qu’ils ne fassent pas les efforts nécessaires pour attirer les compétences. Récemment, L’Umih (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie) et l’État se sont mis d’accord sur une hausse de 3% des salaires. Selon moi, ils n’ont rien compris. Et ceux qui ont saisi où se logeait le problème, eux, cartonnent. C’est le cas des salariés du restaurant de Thierry Marx qui travaillent 2 jours par semaine pendant qu’à la Nouvelle Garde, groupe de trois grandes brasseries parisiennes, la participation au capital ainsi que les formations en interne constituent une plus-value.
Quels sont les prochains objectifs de Brigad ?
Nous cherchons à continuer de grandir. Désormais, Brigad assure 20 000 prestations par mois. D’ici la fin de l’année, nous visons les 90 000 prestations mensuelles. L’un de nos objectifs sous-jacents consiste à normaliser le recours aux freelances sans faire des CDI des outsiders. Pour répondre aux besoins de savoir-faire dans ce contexte de travail qui se redéfinit, nous disposons des outils adéquats. D’autant que la multiplication des expériences engendre un apprentissage beaucoup plus rapide. En règle générale, les professionnels à leur compte soulignent qu’en un an avec Brigad, ils ont effectué l’équivalent de dix ans de carrière.
Propos recueillis par Léa Pierre-Joseph
Retrouvez Brigad lors du prochain Cercle Santé "Pénurie de talents en santé : brisons la glace"