En constante évolution, le groupe Canal+ favorise le développement de ses collaborateurs à l’international pour s’adapter aux exigences technologiques de ses métiers. Xavier Broseta, DRH de Canal+, détaille ses orientations pour 2023.
Xavier Broseta, DRH (Canal+) : "Faire fonctionner notre organisation en tenant compte de notre dimension internationale"
Décideurs.Vous vous inscrivez dans une stratégie de croissance, quelle est-elle ?
Xavier Broseta. Aujourd’hui, Canal+ possède 25 millions d’abonnés dont un peu moins de 10 millions en France. Nous souhaitons atteindre les 30 millions d’abonnés, et même plus. Nous faisons face à des plateformes mondiales qui ont, pour certaines, plus de 200 millions d’abonnés, ce qui leur permet d’amortir des coûts d’infrastructures digitales tels que des systèmes d’information, des plateformes. Les grands studios américains ont tous créé leur propre plateforme pour accéder directement aux clients. Les dépenses des contenus tels que les événements sportifs, sont également à prendre en compte car leurs droits sont de plus en plus onéreux. La production et l’achat de fictions n’est pas en reste, puisque l’offre s’est démultipliée. Le public souhaite principalement du contenu à la fois américain et local. Leur achat, comme leur production ont fait monter les coûts de façon vertigineuse, chaque plateforme cherchant à proposer ses propres exclusivités. Cela nécessite de séduire de plus en plus d’abonnés pour accéder à des contenus toujours mieux ciblés et ainsi satisfaire nos clients.
Comment s’inscrivent les enjeux RH dans cette stratégie ?
Pour tirer parti de notre taille, il s’agit de fonctionner de manière plus intégrée, comme avec le studio Canal en interne, et mutualiser nos compétences à l’échelle du groupe. Pour exemple, nous transférons actuellement une partie de la diffusion des chaînes de France et d’Afrique en Pologne. Nos collaborateurs doivent apprendre à travailler avec leurs collègues européens. Nous devons faire fonctionner notre organisation en tenant compte de notre dimension internationale, non seulement du point de vue de la barrière de la langue, mais également du fait de l’interculturalité. Manager des équipes à distance complexifie la tâche.
Ces enjeux-là se superposent à l’évolution de la technologie, les besoins de compétences changent pour anticiper et suivre les tendances en production, régie et plateau. Concernant la diffusion, le développement des outils logiciels est essentiel au succès. Auparavant, il n’y avait qu’un type de signal par l’intermédiaire d’une unique plateforme, maintenant, une grande variété de supports existent, et de ce fait, plusieurs signaux. En effet, ce ne sont pas les mêmes systèmes d’exploitation d’un pays à l’autre sur l’ensemble des 40 pays du monde que nous couvrons. Les enjeux de formation sont d’autant plus élevés.
Nous répondons également à des besoins spécifiques au monde de l’édition et de la création de contenu dont la particularité fait que les talents qui le font vivre sont aussi bien internes, qu’externes à l’entreprise. Nous devons entretenir nos liens avec eux, et plus largement avec le monde créatif.
Enfin, nous avons le devoir d’assurer à tous les collaborateurs de Canal+ un environnement de travail sûr, exempt de toute discrimination et dans lequel chaque talent peut s’exprimer et se développer. Nous nous voulons par ailleurs exemplaires en matière de compliance et d’écoresponsabilité.
"Nous accordons une importance capitale au suivi et au reporting de ces formations car les outils doivent être alignés et digitalisés à l’échelle l’internationale"
Comment vous appuyez-vous sur la formation pour atteindre vos objectifs dans un contexte concurrentiel et international ?
L’évolution des compétences est un facteur clé de succès pour la stratégie du groupe. La formation y joue un rôle, en parallèle d’une bonne approche des parcours professionnels, du coaching du mentoring et de l’échange entre pairs.
Généralement, les demandes de formation s’expriment au cours des entretiens annuels à l’étranger, et des entretiens de développement en France. Nous mettons beaucoup de soin à ce qu’ils se déroulent bien, et à ce que les informations qu’ils contiennent soient correctement exploitées. Nous intégrons de façon systématique un volet de gestion du changement dans tous les plans d’action impliquant des transformations. Enfin, sont accessibles en ligne à tous les salariés du groupe une série de formations, avec des thématiques variées allant des langues aux métiers. Cette démarche se matérialise par un summer campus portant sur un thème différent chaque année ; la multiculturalité en sera le thème en 2023. Dans le même esprit, Canal+ a développé un programme de formation spécifique à la fidélisation des jeunes talents présents dans l’entreprise depuis deux à trois ans. Le renfort des compétences managériales du groupe est également un axe clé du développement et de l’évolution de nos collaborateurs.
"Pour servir tous ces objectifs, il faudrait que la loi organise une saine concurrence entre les différents acteurs"
En quoi la réforme de la formation professionnelle attendue pourrait-elle favoriser l’atteinte de vos objectifs ?
Le système de financement des formations actuel est d’une part à la main des salariés, et d’autre part, à celle des entreprises. Ce système n’a pas été pensé dans une logique de codéveloppement. Les dispositifs ne sont pas encore assez incitatifs. Simplifier leur accès et les normer le moins possible serait déjà un bon point de départ car il existe actuellement de très nombreuses catégories. Des actions favorisant la transparence du marché en matière d’offre seraient nécessaires. Il faut aussi favoriser l’apparition et la diffusion d’innovations pédagogiques, ce à quoi le numérique se prête à merveille. Pour servir tous ces objectifs, il faudrait que la loi organise une saine concurrence entre les différents acteurs, tout en évitant les abus délictueux que nous avons connus avec la mise en place du CPF.
Propos recueillis par Clara Elmira