Négligence, manque de temps ? Ce sont 40% des entreprises qui n’ont pas mis en place de plan de succession, selon une étude du cabinet de chasse Robert Half réalisée auprès de 400 décideurs dans toute l’Europe. Explications sur une tendance qui inquiète.
Plan de succession, trop souvent négligé ?
Lorsque l’on évoque les plans de succession, les noms de grandes dynasties du capitalisme français viennent à l’esprit : Peugeot, Pinault, Lagardère… sont des histoires familiales qui évoquent de nombreux fantasmes et en feraient presque oublier la nécessité pour les dirigeants de n’importe quelle structure de préparer leur transmission.
Sujet tabou ?
Parler de transmission nécessite une certaine lucidité : le dirigeant doit se confronter à l’idée de son départ, voire de sa mort, ou encore reconnaître la légitimité d’un successeur. Différents facteurs psychologiques expliquent le report de la mise en place du plan de succession. Selon Fabrice Coudray, managing director executive search chez Robert Half: "Le tabou est là, surtout lorsqu’il s’agit des entreprises familiales. La question n’est pas évoquée innocemment, les dirigeants doivent savoir mettre leur ego de côté."
Il ajoute que plus la préparation se fait en amont, plus les chances de succès de cette transmission sont maximisées. Dans le cas d’une entreprise familiale, il n’est pas toujours aisé pour les parents de laisser les rênes. "Des binômes peuvent se créer autour du fils héritier avec la nomination de deux personnes au Comex qui l’épauleront. Les successions sont polymorphes, il faut du temps pour réfléchir à ce qui sera le plus adapté à la situation."
Responsabilité sociale
Fabrice Coudray n’hésite pas à affirmer "qu’il existe une responsabilité sociale et économique du dirigeant à anticiper sa succession. Des accidents de la vie peuvent survenir, sans plan de succession prévu en amont, et cela peut être catastrophique pour la famille, mais aussi pour l’ensemble des salariés".
"Il existe une responsabilité sociale et économique du dirigeant à anticiper sa succession"
Un constat s’impose : il est d’usage pour un dirigeant de relayer la mise en place d’un plan de succession à la fin de sa to do list, la gestion du quotidien étant chronophage. Toutefois, hormis les accidents de la vie qui peuvent survenir, anticiper s’avère également vertueux pour mener à bien une nomination en interne ou le recrutement en externe.
Si la succession se réalise au sein de l’entreprise, cela nécessite un assessment qui peut se dérouler sur plusieurs mois. Lorsque l’on opte pour un recrutement en externe, il ne s’agit pas seulement d’une simple embauche, "il faut que la greffe prenne. Bien sûr, il doit y avoir l’adoubement du président mais aussi l’alchimie avec la codirection, que la personne soit alignée sur les projets de la société sur les dix ans à venir. Des paramètres sociaux sont également à prendre en compte, par exemple, il n’est pas envisageable de recruter une jeune femme dirigeante à la tête de n’importe quelle entreprise sans en connaître la culture d’entreprise."
Du travail pour les conseils d’administration
Près de la moitié des entreprises n’a pas préparé de plan de succession et cela pour l’ensemble des pays européens. Le sujet est trop souvent négligé, mais Fabrice Coudray souligne que "de nombreuses structures ont pris conscience de l’importance d’un plan de succession, mais il leur reste encore à acter cette planification". Si sur l’ensemble des pays, aucune différence n’a été notée quant à l’anticipation des plans de succession, la taille de la structure des entreprises influe sur l’importance d’anticiper cette mise en place car davantage de personnes se trouvent impliquées. Y consacrer du temps et de l’investissement offre la possibilité de générer une approche d’un leadership bénéfique pour l’entreprise.
Encore trop peu évoquée, la préparation des plans de succession devient un impératif pour les années à venir. Loin d’une simple formalité ou d’une question intime, la succession tend à s’inscrire davantage au sein des enjeux ESG des sociétés.
Elsa Guérin