Définie comme l’ensemble des actions visant à transmettre et valoriser les connaissances, le savoir-faire et l’histoire de l’organisation, la mémoire d’une entreprise constitue un patrimoine précieux. Bien souvent ignorée, elle se révèle pourtant un levier essentiel pour la diffusion des savoirs, le renforcement de la culture interne et la fidélisation des équipes – tout en contribuant à affermir l’identité, la cohésion et le sentiment d’appartenance des salariés. Éclairages sur une notion méconnue.
La mémoire de l’entreprise, ou les ravages de l’oubli
Imaginez un instant que vous vous réveilliez un matin, une journée de travail devant vous, quand soudain, une fois à votre poste, vous avez tout oublié de votre entreprise. Plus aucun souvenir des règles, des projets en cours, des anecdotes croustillantes… ni même de vos collègues. C’est un peu ce qui arriverait à une organisation si elle perdait la trace de sa mémoire collective. Relativement méconnue mais indispensable, la mémoire d’entreprise permet de prévenir ce genre de situation.
La mémoire courte
D’après une enquête réalisée par l’Ifop en avril 2024, 39 % des cadres interrogés n’ont jamais entendu parler de mémoire de l’entreprise avant cette même étude, révélant ainsi un trou de mémoire sur le sujet… ou plus vraisemblablement un déficit de communication autour de ce concept. Pourtant, 61 % des répondants connaissent plus ou moins précisément ce terme, surtout parmi les cadres dirigeants (84 %) et les salariés présents depuis plus de 20 ans dans la structure (61 %). Cette différenciation selon le statut et l’ancienneté illustre que celles et ceux qui participent activement à la gestion de l’organisation sont davantage sensibilisés à ce sujet.
N’oublie pas qui tu es
Pour les cadres interrogés, la transmission des savoirs et l’évolution des métiers à l’intérieur de l’organisation sont perçues comme les principaux éléments constitutifs de sa mémoire (68 % des réponses). L’histoire de la création de l’entreprise et les événements marquants jouent également un rôle clé (58 %), de même que la gestion du patrimoine matériel que sont les archives et la documentation (51 %). L’enquête souligne par ailleurs l’universalité du concept : toutes les structures, quels que soient leur taille ou leur secteur d’activité, se livrent à un travail mémoriel. Cette perception montre à quel point la mémoire des organisations est un enjeu transversal, qu’il convient d’adapter aux spécificités de chaque structure.
Valoriser la mémoire de l’entreprise renforcerait son attractivité aussi bien auprès des futurs employés que des partenaires extérieurs
Pour les générations futures
98 % des cadres estiment que la mémoire d’entreprise participe à la culture organisationnelle et au renforcement du sentiment d’appartenance. Perçue dans les mêmes proportions comme un levier pour préserver les compétences et les transmettre aux nouvelles générations, elle consolide l’identité interne. Des résultats qui illustrent un consensus fort concernant les bénéfices de la mémoire pour la pérennité et l’innovation.
Les cadres voient également en elle un facteur de cohésion sociale et d’engagement : 95 % des répondants reconnaissent son rôle dans la création de liens intergénérationnels et de solidarité entre collègues. Plus encore, valoriser la mémoire de l’entreprise renforcerait son attractivité, aussi bien auprès des futurs employés que des partenaires extérieurs.
L’un des avantages les plus concrets qu’offre la mémoire d’entreprise est la capacité à tirer profit de ces événements négatifs
Apprendre de ses erreurs
Nombreuses sont les structures qui traversent des crises importantes durant leur existence, qu’elles soient internes, nationales ou réputationnelles. Or, l’un des avantages les plus concrets qu’offre la mémoire d’entreprise est la capacité à tirer profit de ces événements négatifs. Plutôt que de les oublier, 89 % des cadres estiment ainsi qu’il est nécessaire de conserver des traces de ces périodes difficiles, même les moins glorieuses. Mobiliser ces souvenirs d’événements passés et communiquer à leur sujet peut alors éviter que les mêmes schémas ne se reproduisent, d’autant que 75 % des répondants affirment que les crises laissent souvent une empreinte durable dans l’image interne et externe de l’organisation.
Sans doute conscients d’un manque, 89 % des cadres se disent favorables à la création d’un comité « histoire » au sein de leur entreprise
Qui pour écrire l’histoire ?
Un constat s’impose : les cadres peinent à déterminer qui, au sein de la structure, joue le rôle le plus important concernant sa mémoire. Plus de quatre cadres sur dix pensent que c’est à tous les collaborateurs de s’impliquer dans cette mission, quelle que soit leur fonction. Tandis que 20 % d’entre eux jugent que cette tâche revient à l’ensemble du comité de direction, ils sont 15 % à attribuer cette responsabilité aux collègues ayant le plus d’ancienneté, et 10 % à la personne dirigeante. Les managers de proximité (7 %) et les équipes des fonctions support (5 %) ne semblent pas aptes à assumer ce rôle pour les sondés.
Sans doute conscients d’un manque, 89 % des cadres se disent favorables à la création d’un comité « histoire » au sein de leur entreprise. Cette équipe aurait pour mission de collecter, préserver et valoriser les savoirs tout en assurant la transmission des compétences aux nouvelles générations. Considérant la composante humaine de cette perspective, il apparaît évident que les RH sont les plus aptes à assumer un rôle prépondérant au sein de ces comités, dont la dimension stratégique est d’ores et déjà indéniable…
Cem Algul