Régis Mulot est vice-président exécutif et directeur des ressources humaines d’Ipsen, entreprise biopharmaceutique de plus de 5 000 collaborateurs implantée dans 45 pays. Il revient, pour Décideurs RH, sur les usages de l’intelligence artificielle générative au sein d’un groupe qui se doit de rester à la pointe de l’innovation en matière de santé et de traitements médicamenteux.

Décideurs RH. Comment utilisez-vous l’IA chez Ipsen ?  

Régis Mulot. Nous avons recours à l’IA pour plusieurs facettes de nos activités. C’est d’abord un outil au service de la R&D, qui est centrale pour continuer à innover et développer de nouveaux médicaments en oncologie, dans les maladies rares et en neurosciences. En ce sens, l’IA s’avère très utile pour la gestion des essais cliniques, la collecte et le traitement de toutes les données qui y sont liées : celles des patients partout dans le monde, des hôpitaux, des organismes de santé et des gouvernements impliqués. Grâce à cette technologie, nous pouvons aussi assurer un meilleur suivi de notre collaboration avec les médecins et professionnels de santé.

L’IA nous aide également à gagner en efficacité pour le traitement de quantités importantes de données issues des ordonnances remises aux patients dans des pays comme les États-Unis, où la législation autorise l’accès à de telles informations. C’est un levier puissant pour mieux comprendre les besoins des malades, détecter les tendances et identifier les pathologies émergentes.

Enfin, une centaine de collaborateurs testent Copilot depuis quelques mois pour générer des macros Excel capables, entre autres, d’automatiser la saisie et le calcul des données. Recueillir les données, automatiser leur traitement et leur stockage sont des tâches que facilite l’IA. C’est très précieux dans notre industrie, qui est l’une des plus réglementées au monde et qui est soumise à divers audits et contrôles de la part des autorités de santé.

Comment les équipes RH mettent-elles à profit les capacités de l’IA ?

Chez Ipsen, les données générées par l’IA, à partir des enquêtes de satisfaction des collaborateurs, nous servent à mieux connaître le climat social, et à prendre plus rapidement connaissance des attentes et besoins des salariés. Ainsi pouvons-nous identifier des axes d’amélioration et mettre en place des plans d’action.

Certains outils IA nous ont été très utiles récemment, lors de la refonte des descriptions de postes et de la révision de notre vision du leadership, articulée autour de cinq méga-compétences et 25 sous-compétences. L’outil Copilot accompagne les recruteurs pour définir, en quelques secondes, les cinq aptitudes clés d’un poste de travail.  

L’IA pourrait nous permettre de recruter les meilleurs talents plus vite que les entreprises concurrentes

Par ailleurs, nous testons depuis deux mois un système alimenté par l’IA pour programmer tous les entretiens de recrutement, ce qui représente un gain de temps considérable pour les équipes RH. Et dans notre univers, très tendu en matière d’embauche, l’IA pourrait nous permettre de recruter les meilleurs talents plus vite que les entreprises concurrentes.

L’employabilité est au cœur des enjeux liés à l’IA. Quel est votre point de vue sur la question ?

Chez Ipsen, nous voyons l’arrivée de l’IA, et d’outils tels que CoPilot, comme une chance de gagner en productivité. L’objectif étant de dégager du temps pour que les salariés montent en compétences et puissent se consacrer à des tâches plus complexes. Il ne s’agit pas d’une démarche de réduction des coûts mais de réinvestissement du temps gagné.

Nous évoluons au sein d’une industrie où les collaborateurs sont très à l’aise avec les outils digitaux, et l’ensemble des équipes est enthousiaste. La sensibilisation et la formation restent toutefois primordiales afin de s’assurer que chaque salarié soit en capacité de manier les outils IA. À chacun ensuite de les prendre en main et d’utiliser fréquemment les possibilités offertes par l’intelligence artificielle.  

Il ne s’agit pas d’une démarche de réduction des coûts mais de réinvestissement du temps gagné

Quoi qu’il arrive nous devons rester vigilants : il faut surveiller la charge de travail des collaborateurs, le risque étant qu’ils soient de plus en plus sollicités sur des tâches à forte valeur ajoutée. Reste aussi la question de la capacité d’adaptation et de la formation de salariés jusque-là mobilisés sur des activités très opérationnelles, et moins stratégiques.

Des dispositifs ont-ils été mis en place pour protéger les données des salariés d’Ipsen ?

Ipsen est soumis à la RGPD, ce qui garantit la protection des données des salariés du groupe. En complément, nous mettons en place des processus robustes et alignés avec la RGPD. À titre d’exemple, tout logiciel exploitant des données personnelles doit passer à travers le système One Trust, qui garantit la confidentialité des informations. Cela ne doit pas remplacer la sensibilisation effectuée en continu au sein du groupe pour assurer un usage précautionneux de l’IA, aussi bien pour nos enjeux business que pour la sécurité de nos données.   

Propos recueillis par Caroline de Senneville

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