Discret, le P-DG fondateur de l'enseigne de meubles et de déco en pleine croissance se livre en exclusivité sur son aventure entrepreneuriale. 
Décideurs. Votre groupe a été racheté pour 680 millions d’euros par Bain Capital, quels changements cela a-t-il entraîné ?
Xavier Marie.
C'est notre troisième LBO. Nous pensions être rodés, mais Bain est un fonds différent des autres. Ses équipes sont, en général, très interventionnistes et disposent d'équipes support qui débarquent dans l'entreprise à la recherche d'optimisation, sans aucune concertation préalable. Il a donc été nécessaire d’effectuer quelques réglages pour préciser le rôle de chacun. Une fois ce démarrage houleux corrigé (en 2013), les choses se sont mises en place rapidement et tout se déroule très bien aujourd’hui. Bain Capital dispose de grandes compétences internes et lorsqu’elles sont parfaitement canalisées, elles sont très précieuses pour l'entreprise qui en bénéficie. Le fonds nous a accompagnés et conseillés sur de nombreux sujets, notamment lors de notre développement international. Ses équipes nous ont également prêté main forte dans la structuration du groupe. Elles nous ont appris à bien responsabiliser nos collaborateurs. J'ai personnellement beaucoup appris à leur côté. Cela va notamment me permettre de prendre un peu de hauteur dans la gestion de l’entreprise.


Décideurs. Quels sont vos prochains défis ?
X. M.
Il y en a deux : le développement digital européen et l'internationalisation de l’enseigne Maisons du monde. En France, 30 % des ventes de meubles sont réalisées sur Internet. C’est l’objectif à atteindre dans l’ensemble des pays européens où la marque est présente, à l’image de l’Espagne, de l’Italie, de la Suisse ou encore de la Belgique. Ce sont des territoires où nous n’avons jamais appliqué de politique marketing ou d’acquisition très forte. Le défi s’avère donc tout à fait réalisable dans les mois à venir. En évoquant le développement digital, j’entends également accroître les ventes d'articles de décoration sur le Web qui ne représentent que 3 % du chiffre d’affaires. Nous sommes loin du modèle cross canal que nous avons su développer pour l’ameublement. L’augmentation des ventes sur mobile et à travers le click and collect devrait nous permettre de rattraper ce retard rapidement. Quant au second défi de Maisons du Monde, l’internationalisation de l'enseigne, elle est en cours. Nous avons signé un partenariat au Moyen-Orient avec un plan de développement sur cinq ans. Par ailleurs, nous sommes en discussion pour nous implanter en Europe du Nord, à Singapour et en Afrique du Nord notamment.

« L'association des managers aux plus-values est une excellente chose »


Décideurs. Entre 2007 et 2012, votre chiffre d’affaires est passé de 230 à 500 millions d’euros. Vous avez mis en place une stratégie marketing proche de celle développée par les enseignes du prêt-à-porter (Zara, H&M…) en renouvelant en permanence vos produits et collections. Est-ce le secret de votre croissance ?
X. M.
Si nous voulons continuer à croître, la recette de notre croissance doit rester secrète ! (rires) Au-delà d’un secret bien gardé, maintenir une croissance à périmètre constant dans le secteur de la maison durant ces dernières années demande de développer de sérieux points forts différenciants. Le renouvellement constant des collections et la créativité de notre équipe de style est un réel avantage. Un atout dont nous avons conscience et que nous avons exploité pour l’année 2015. Le modèle cross canal nous permet également chaque année d'augmenter notre part de marché sans être tributaires des grandes surfaces commerciales traditionnellement nécessaires aux magasins de meubles. Le multistyle abordé par la marque est aussi un de nos ingrédients secrets, ainsi que notre approche multiniche dans le secteur du meuble. Enfin, notre sourcing nous permet de conserver des marges très supérieures au marché malgré la hausse du dollar, tout en maintenant des prix attractifs. Sans oublier que nous avons un périmètre constant positif sans jamais faire de promotion. Notre prévisionnel flirte avec les 700 millions euros de chiffres d’affaires cette année.

Décideurs. L’ouverture ces dernières années de 51 nouveaux points de vente a participé à la croissance de votre groupe. Comment allez-vous poursuivre cette expansion hors du marché français qui représente encore 70 % des revenus ?
X. M.
Cette année, nous avons réinvesti le marché espagnol - où nous avions suspendu notre déploiement - avec beaucoup de succès. Nous poursuivons également de manière régulière le développement de l’enseigne en Italie. Le groupe a inauguré son premier magasin suisse avec un Ebitda record et deux autres suivent d'ici la fin de l’année. Avec l’ouverture de six magasins, Maisons du monde se lance en Allemagne. Ce marché est moins mature pour la partie décoration, il s’agit davantage d'un marché d'équipement, mais c'est justement en train de changer et nous comptons bien profiter de cette évolution pour tirer notre épingle du jeu. À la fin 2015, nous aurons ouvert plus de vingt magasins à travers toute l’Europe avec des résultats supérieurs aux objectifs. Cela nous permet de préparer 2016 sous les meilleurs auspices, surtout que nous avons le même plan de développement pour l’année prochaine !

Décideurs. Vous avez effectué deux levées de fonds en huit ans, tout en restant au capital de votre groupe. Vous semblez avoir adopté la stratégie de la jeune génération d’entrepreneurs qui préfère détenir 6 % d’un gros gâteau que 100 % d’un macaron…

X. M. Oui effectivement, cependant la dernière fois que j'ai vendu je n'ai pu m'empêcher d’imaginer le contraire… Sur le fond, je n'ai aucun regret. Cela m'a permis de faire des choses formidables à titre personnel assez tôt. Et au final, tant que nous sommes associés à des fonds qui ne font pas de bêtises, comme malheureusement il en existe, le LBO est très vertueux. Cela booste les équipes et l'association des managers aux plus-values est une excellente chose.

Propos recueillis par Camille Drieu

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