Le géant français s’apprête à débourser 13,4 milliards de dollars pour mettre la main sur l’un des leaders américains des gaz industriels, le groupe Airgas. Une opération qui renforce son leadership mondial et pose les bases de sa croissance future.

C’est la plus importante acquisition de son histoire. Mardi 17 novembre après la fermeture de la Bourse, Air liquide a annoncé le rachat d’Airgas, leader sur le marché du gaz en bouteille aux États-Unis, pour un montant total de 13,4 milliards de dollars, soit 12,5 milliards d’euros. Une opération qui fait du spécialiste des gaz pour l’industrie et les services dirigé par Benoît Potier le numéro un mondial du secteur loin devant son éternel rival, l’allemand Linde.

 

« Une offre en ligne avec les valorisations de la profession »

 

Le merger agreement signé par les deux directions propose aux actionnaires d’Airgas un prix par action de 143 dollars payé en cash, soit une prime de 50,6 % par rapport au cours moyen constaté pendant les trente derniers jours. Un montant qui correspond également à 9,8 fois l’Ebitda estimé pour 2016 en incluant les synergies. « Notre offre est donc en ligne avec les valorisations de la profession », a assuré la directrice financière de l’industriel Fabienne Lecorvaisier qui prévoit de financer l’acquisition par une émission obligataire et une augmentation de capital (entre trois et quatre milliards d’euros).

 

Contrairement à celle reçue cinq ans plus tôt, le fondateur Peter McCausland soutient cette offre amicale et a promis de céder l’ensemble de ses titres, représentant 10 % du capital. En 2010, son concurrent Air Products avait en effet lancé une OPA hostile sur un groupe alors jugé archaïque et fragilisé par la crise. « Airgas n’avait pas beaucoup d’intérêt à cette époque », admet Benoît Potier qui avait refusé d’entrer dans la bataille boursière.  Mais l’opération a échoué et fut suivie par une profonde transformation.  

 

D’archaïque à « disrupteur »

 

Depuis sa fondation en 1982, la société qui évolue dans un marché très fragmenté avait grandi rapidement à travers plus de 450 acquisitions. « Airgas ressemblait à un conglomérat, relate le centralien. Mais en quelques années, celui est devenu une société pleinement intégrée, notamment grâce à l’introduction d’un ERP. » Disposant aujourd’hui de l’une des meilleures plateformes de distribution du pays, Airgas a investi dans le digital et réalise 10 % de ses ventes grâce à sa plateforme de e-commerce, une position unique dans ce secteur.

 

Pour Air liquide qui prépare un plan stratégique dont l’innovation et le numérique devraient être les pierres angulaires, c’est donc le bon timing. « À 65 ans, le fondateur souhaite se désengager », a expliqué le P-DG d’Air Liquide. Hautement symbolique, l’idée de cette alliance franco-américaine a par ailleurs germée à l’occasion de l’arrivée de la frégate L’Hermione – la réplique du navire ayant transporté le Marquis de Lafayette aux États-Unis – à Philadelphie en juin dernier. Lors des festivités, Peter McCausland, l’un des parrains de l’événement, a rencontré Pierre Dufour, le numéro deux du géant français, et les négociations ont été immédiatement engagées.

 

Des synergies à hauteur de 300 millions de dollars

 

Les deux groupes espèrent dégager 300 millions de dollars de synergies, « une estimation conservatrice », a précisé Benoît Potier. Des gains sont attendus dans le sourcing (Airgas pourra se fournir en gros intégralement auprès d’Air Liquide), dans la distribution et dans les volumes. « Nous allons pouvoir diffuser à grande échelle nos innovations sur le premier marché au monde pour les gaz industriels. » La directrice financière a annoncé un effet relutif sur les résultats dès la première année suivant l’acquisition.

 

En absorbant Airgas et son portefeuille d’un million de clients, le groupe du Quai d’Orsay  consolide environ quatre milliards d’euros de chiffre d’affaires supplémentaires – portant le sien à 19,3 milliards d’euros pro forma – en progression de 8 % par an en moyenne depuis dix ans. Les États-Unis deviennent ainsi le premier marché d’Air Liquide (42 % des ventes), devant l’Europe (37 %). Employant 17 000 personnes, la cible contribuera principalement à l’activité industriel marchand dont la part dans le chiffre d’affaires atteindra 49 %. Si elle n’est pas la plus dynamique du groupe, « cette branche est fortement génératrice de cash-flow, ce qui a toujours permis de financer notre croissance », a rappelé M. Potier.

 

Désormais, les deux entreprises se concentrent sur l’obtention des autorisations réglementaires. Dès mercredi, Benoît Potier s’est envolé pour les États-Unis en vue d’accélérer les négociations avec la FTC (Federal and Trading Commission). S’il n’a pas voulu donné de date précise, le P-DG a promis que « l’opération serait finalisée en 2016. » 

 

Conseils acquéreur : financiers : Barclays, BNP Paribas ; juridique : Cleary Gottlieb Steen & Hamilton, Bredin PratConseils cible : financiers : Goldman Sachs, Bank of America Merrill Lynch ; conseil juridique : Wachtell, Lipton, Rosen & Katz 

 

JHF

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail