Peugeot, prêt à rugir en Iran
Alors que l’Iran signe son retour sur la scène commerciale internationale avec la levée des sanctions, les entreprises sont nombreuses à vouloir s’implanter dans le pays. Avec un total de 83 millions d’habitants, une industrie développée et une population éduquée, l’Iran a les arguments pour convaincre. Au total, le gouvernement iranien espère recevoir entre trente et cinquante milliards de dollars d'investissements étrangers d'ici cinq ans. Récemment, le groupe Airbus a vendu 118 avions pour vingt-cinq milliards d’euros. Quant à PSA Peugeot Citroën, il a signé un contrat de co-investissement de 400 millions d’euros à part égale avec le constructeur automobile local Iran Khodro.
Un marché porteur
Parti en 2012 sous la pression américaine et de General Motors, l’automobiliste français compte bien profiter de nouveau d'un marché porteur. Le parc automobile iranien est ainsi estimé à plus de dix millions d’unités et un million de voitures y sont vendues chaque année. Un chiffre qui ne cesse de croître et qui pourrait dépasser les deux millions d’ici 2020. Parmi les moins de 40 ans, soit 70 % de la population, près de 50 % sont clients du secteur automobile.
Avant son départ, le groupe possédait 30 % des parts de marché et a laissé une image positive derrière lui. D’après Ardavan Amir-Aslani, associé du cabinet Cohen Amir-Aslani et conseiller de Peugeot sur l’opération, « six millions de voitures Peugeot circulent déjà en Iran, soit environ 40 % de part de marché ». Selon Sébastien Amichi, expert du secteur automobile chez Roland Berger, « les Iraniens accordent 20 % de leur budget à l’automobile ». C’est deux fois plus qu’en France. Une réelle aubaine pour PSA qui compte y produire massivement. « Grâce à ce partenariat, Peugeot sera en mesure de produire d’ici dix-huit mois des centaines de milliers de voitures sur le sol iranien », précise Ardavan Amir-Aslani. Pour comparaison, ses concurrents n’en fabriquent que quelques dizaines de milliers par an. Un atout de taille donc pour reconquérir le marché iranien.
Des marges importantes
Autre source de motivation : les marges. En effet, les voitures que compte produire Peugeot sur le sol iranien sont déjà amorties en matière de R&D. D’autre part, Peugeot va se positionner sur le marché en tant que constructeur moyen/haut de gamme en vendant ses voitures au même prix qu’en France, selon une source proche du dossier. De quoi justifier cette arrivée sur le sol iranien, dans une usine ultramoderne où Peugeot devra apporter son savoir-faire intellectuel. Ainsi, plusieurs dizaines d’expatriés fourniront leur assistance technique.
Pour Sébastien Amichi, il y a également un autre avantage majeur : « Peugeot peut profiter d’un site de production low-cost, pour exporter la production sur d’autres marchés tels que le Moyen-Orient et l’Afrique. » Cette stratégie doit ainsi permettre au groupe d’étendre son influence sur de futurs marchés porteurs.
Concurrence accrue
Rien ne semble contrarier la volonté de Peugeot à retourner en Iran. Mais à quel prix ? « Les négociations avec le ministère de l’Industrie iranien et les dirigeants d’Iran ont duré plus d’un an », précise Ardavan Amir-Aslani. L’État iranien en a profité pour poser ses conditions et a même demandé à être indemnisé pour compenser le départ du groupe en 2012. Le constructeur automobile français devrait ainsi payer 427,6 millions d'euros à l'entreprise Iran Khodro sous la forme de services ou de remises en livrant par exemple pour 25 millions d’euros de pièces pour les modèles produits actuellement en Iran.
Si les ambitions sont là, la réalité du marché n’est plus la même. D’après Sébastien Amichi, « pour les marques françaises, les conditions sont moins favorables qu’auparavant en raison de l’arrivée de constructeurs chinois, japonais et coréens dans le pays ». Cette concurrence tirera les prix par les bas. Si les marges de Peugeot devraient être réduites, cela ne remettra pas en cause la stratégie ambitieuse du groupe français sur le sol iranien.
Vincent Paes et Richard Trainini.