Avec 140 millions d’euros de chiffres d’affaires en 2015, Spartoo, la start-up créée en 2006 par trois étudiants grenoblois, a réussi à se hisser, avec Sarenza et Zalendo, dans le trio de tête de la chaussure en ligne. Un marché estimé à environ 800 millions d’euros. Rencontre avecc Boris Saragaglia, son directeur général.

Décideurs. Spartoo souffle cette année sa dixième bougie. Comment le site s'est-il construit pour s'inscrire dans la durée ?

Boris Saragaglia. À 23 ans et alors que nous étions encore sur le campus de HEC, nous nous sommes lancés avec deux amis dans cette aventure entrepreneuriale. De 2006 à 2010, notre objectif était de valider notre business model et de grandir en France. Durant cette période charnière, nous sommes parvenus à lever 17,8 millions d’euros pour accompagner notre croissance. La deuxième phase, de 2010 à 2015, était concentrée autour de l’exportation de notre modèle à l’international. Une levée de fonds de 25 millions d’euros en 2012 nous a permis d’accélérer ce développement hors de nos frontières. La conquête de nombreux clients en France nous a donné envie de reproduire nos bonnes méthodes sur d’autres marchés. L’Allemagne, l’Italie, l’Angleterre, la Grèce : Spartoo s’est rapidement étendu dans ces pays tandis que d’autres acteurs du secteur restaient focalisés sur la France. Enfin, à partir de 2015, nous nous sommes lancés dans de nouveaux relais de croissance, avec notamment un réseau de boutiques physiques dans l’est de la France.

 

Décideurs. Quelles sont vos relations avec les fonds d'investissements qui vous soutiennent ?

B. S. Les quatre types d’investisseurs traditionnels se retrouvent parmi les fonds qui nous accompagnent. Dès la création de Spartoo en 2006, des business angels nous ont soutenus avant d’être épaulés un an plus tard par des fonds français d’amorçage. Ensuite, un fonds américain de capital development et une société large cap ont investi dans notre société, à hauteur de 12,5 et 25 millions d’euros. Nous étions alors la première société en France avec un P-DG de moins de 30 ans à être financée par un gros fonds américain.

 

« Notre CRM s’appuie sur les préférences de nos clients pour les orienter vers des univers à même de les séduire »

 

Décideurs. Pourquoi Spartoo a choisi de lancer des marques propres ?

B. S. Nous nous appuyons sur l’un des plus grands panels français regroupant 150 000 personnes pour interroger les consommateurs sur leur perception des grandes tendances ainsi que sur l’évolution de leurs goûts. Il est apparu que certains produits étaient désirés sans être nécessairement disponibles sur le marché. Trois marques ont alors été développées pour répondre à ces besoins : BT London pour l’urbain branché, Moony Mood pour la fantaisie accessible et Fericelli pour le luxe à portée de main. À long terme, Spartoo va ainsi pouvoir présenter des produits exclusifs et se différencier de la concurrence. Intégrer de la sorte des maillons de la chaîne de valeurs est la meilleure manière de répondre avec précision aux demandes de nos clients. D’autre part, il est évident que nous réalisons une marge plus importante sur ces produits.

 

Décideurs. Avez-vous mis en place des procédés particuliers pour retenir vos clients alors que la volatilité est importante dans l'e-commerce ? 

B. S. Nos efforts se concentrent pour leur donner le plus haut niveau de satisfaction possible. Nos mécanismes de CRM chauds servent à retenir nos clients juste après leur achat sur notre site en leur proposant des produits proches de leur récente acquisition. Cela ne sera jamais le même produit qui sera mis en lumière, mais un accessoire pouvant s’accorder intelligemment avec la chaussure ou le vêtement choisi. À moyen terme, notre CRM s’appuie sur les préférences de nos clients pour les orienter vers des univers à même de les séduire. À long terme, nous retenons notre clientèle car nous proposons la plus grande offre du marché : 3 500 marques et plus de 300 000 modèles sont disponibles sur notre plate-forme. C’est bien plus que tous nos concurrents. Enfin, nous portons un soin particulier à l’exécution opérationnelle pour que tous les éléments qui nous lient à nos clients soient irréprochables. Je pense à la supply chain comme à la relation client.

 

« Le secteur du prêt à porter est à nos yeux un accessoire à la chaussure »

 

Décideurs. Vous étiez spécialisé dans la chaussure, puis vous vous êtes diversifiés dans le textile. Pourquoi un tel virage et êtes-vous satisfait de ce choix aujourd'hui ? 

B. S. Le secteur du prêt-à-porter est à nos yeux un accessoire de la chaussure. Nous en sommes contents car nous le percevons simplement comme un relais pour améliorer la rentabilité de nos clients.

 

Décideurs. L'ouverture de magasins physiques peut surprendre de la part d'un pure player. Quel est l’intérêt stratégique derrière cette opération ? 

B. S. Nous possédons aujourd’hui douze boutiques physiques en propre. L’objectif est d’en avoir cent d’ici à 2020. Ces ouvertures de magasins sont liées à notre volonté d’offrir une expérience d’achat toujours plus agréable en retenant le meilleur de chaque canal de vente. En ligne, il est facile de trier, filtrer et accéder rapidement au produit de son choix. Toutefois, la relation cliente est écrite et froide. Au contraire, les magasins ont un déficit d’offres mais la relation humaine de proximité est appréciée dans tous les points de vente. Grâce aux tablettes reliées à notre site et disponibles dans toutes nos boutiques, la largeur de gamme est similaire à notre offre en ligne et le client peut apprécier les conseils personnalisés de spécialistes.

 

« Doubler notre chiffre d’affaires entre les cinq et les dix prochaines années »

 

Décideurs. Quels devraient être les bénéfices du nouveau site de logistique ouvert à Saint-Quentin-Fallavier, dans la banlieue lyonnaise ?

B. S. Ce nouvel entrepôt représente un investissement de cinq millions d’euros. C’est le premier en France à être 100 % RFID (Radio Frequency Identification) dans l'e-commerce. Au sein de cet édifice se trouve également la plus grande mezzanine d’un seul tenant de l’Hexagone. Nous allons pouvoir monter en gamme à la fois dans nos délais de livraison mais aussi dans la fiabilité et le packaging. Nos clients en seront les premiers bénéficiaires. Pour notre groupe, c’est aussi l’occasion d’internaliser des processus complexes et coûteux pour réduire nos frais de livraison.

 

Décideurs. Que peut-on vous souhaiter pour les dix prochaines années ?

B. S. D’atteindre nos objectifs. Notre volonté est de doubler notre chiffre d’affaires entre les cinq et les dix prochaines années. Nos principaux chantiers sont lancés : le développement de notre marketplace, la croissance de nos marques propres, la densification de notre réseau de boutiques physiques et l’élargissement continu de notre offre textile.

 

Propos recueillis par Thomas Bastin.

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