Décideurs. Quels ingrédients nécessaires au leadership ne sont pas assez mis en lumière ?

Yannick Alléno. La créativité est un élément important, elle est parfois occultée, mais elle est selon moi le moteur.

 

Décideurs. Comment la passion d’un seul homme peut-elle se transmettre à toute une équipe ?

Y. A. La cuisine est un sport collectif, on ne la pratique pas seul. C’est un travail d’équipe et c’est à nous, chefs, de savoir motiver et élever nos équipes. L’ambition d’un chef, en tout cas pour ma part, est de drainer des talents, de transmettre mon savoir. Dans nos métiers, nous nous devons de transmettre nos valeurs et nos acquis à la jeune génération. Je cherche à véhiculer les valeurs profondes que représente la cuisine française. C’est en travaillant au quotidien, en formant et éduquant des palais que tout cela peut devenir collectif.

 

Décideurs. Au quotidien, les décisions que vous prenez sont-elles systématiquement guidées par vos valeurs ?

Y. A. Bien entendu, elles le sont. J’ai des valeurs fortes qui m’ont poussé toujours plus haut. La  créativité, le travail, la générosité, l’écoute, l’humilité. Ce sont pour moi les bases fondamentales pour pouvoir avancer.

 

Décideurs. Dans quelle mesure l’altruisme est-il une composante du leadership ? Qui ira jusqu’à révéler le leadership d’un autre ?

Y. A. Oui, on peut tout à fait révéler le leadership d’autres personnes. Dans chacun de mes restaurants, je place des chefs qui gèrent et motivent eux-mêmes leurs équipes. Ils possèdent chacun leur personnalité et ils s’épanouissent à leur façon. Ils pilotent leur équipe et c’est cela qu’il faut savoir encourager : laisser à chacun le choix de ses décisions. L’altruisme est une valeur incontournable dans ce métier car, je le disais plus haut, seul, on ne fait pas de cuisine.

 

Décideurs. Vous est-il souvent arrivé de douter ? Comment un leader peut-il gérer ses questionnements ?

Y. A. Oui, bien sûr. Le fait de se remettre en question et d’être à l’écoute de ses clients peut nous aider à gérer cela. Et puis l’obtention de la première étoile, puis de la deuxième et de la troisième, les concours…Tout cela permet de croire en soi et d’avancer. Ces reconnaissances ont été des défis qui se transforment un jour en consécration. Mais c’est avant tout le commencement d’une nouvelle aventure avec toujours le même objectif de satisfaire les clients.

 

Décideurs. Dans quelle mesure l’écoute est-elle une composante du leadership : comment parvenez-vous à porter la parole tout en restant à l’écoute de ceux qui vous entourent ?

Y. A. J’écoute mes clients, mes équipes. Je ne suis pas un solitaire et j’ai besoin d’être à l’écoute, d’apprendre et de me perfectionner sans cesse. C’est grâce à mes rencontres, mes maîtres, mes chefs que j’évolue encore aujourd’hui. L’écoute est l’essence même de mon métier et de ma personnalité.

 

Décideurs. Un leader doit fonder sa relation aux autressur la confiance et encourager leur adhésion. Comment éviter alors l’écueil de la soumission ?

Y. A. La soumission est toujours librement consentie.

 

Décideurs. Pensez-vous qu’un leader possède nécessairement une qualité politique et sociale pour unir un groupe ?

Y. A. Non. Plus que l’homme, c’est le projet qui prime et je pars du principe que la légitimité ne s’acquiert pas sur les déclarations. On ne juge les hommes que sur les actions.

 

Décideurs. Votre brigade vous appelle « chef », quelle différence avec « leader » ?

Y. A. « Chef » est un titre, comme un avocat que l’on appelle « Maître » ou un médecin que l’on appelle « Docteur ». Le titre n’a rien à voir avec la position de leader que l’on peut avoir ou non. Tous les cuisiniers sont ou seront des chefs. Il est normal de me faire appeler « Chef » et cela n’a rien à voir avec mes étoiles.

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail