François Villeroy de Galhau aux Rencontres économiques d'Aix : «L’ennemi du succès, ce n’est pas l’Europe. C’est le statu quo »
« Pour moi il existe 4 facteurs de croissance ; la puissance économique, le rapport à la vérité, l’ambition et l’unité. S’agissant de la puissance économique, l’Europe peut se satisfaire de nombreux succès. En 2015, fort de leurs réformes, l’Irlande et l’Espagne ont connus les meilleures croissances. Certains pays ont une dette très faible, comme l’Estonie, avec seulement 6%. L’Allemagne a un taux de chômage des jeunes très faible, de moins de 7%. La Finlande est leader en éducation dans le classement PISA… Cela démontre que l’ennemi du succès, ce n’est pas l’Europe. L’ennemi, c’est le statu quo et l’absence de réformes.
Le rapport à la vérité constitue un deuxième élément de puissance : l’illusion lyrique est dangereuse, comme l’a montré le référendum britannique qui n’a pas suffi à faire disparaitre la réalité, comme en témoigne la chute de 12% enregistrée par la livre depuis. Et désormais, le Royaume-Uni va faire face à une tendance récessive du fait des incertitudes, évidemment néfastes aux investissements. A plus long terme, le pays risque l’isolement.
« Trop de temps a été passé sur la plomberie de la gouvernance européenne et pas assez sur le projet européen »
Troisième point : pour transformer les atouts de la puissance, il faut une ambition. Certes, L’Euro est une monnaie diffusée mondialement et soutenue par les deux tiers des citoyens ; certes, nous avons un plan d’investissement de 300 milliards… mais nous devons aller plus loin, avec une union de financements et d’investissements. Cette dynamique d’investissement ne doit pas seulement être focalisée sur l’infrastructure mais porter également sur le capital humain de l’Europe, avec un Erasmus des formations professionnelles. Nous avons plus d’épargne que les Etats-Unis. Profitons-en en mettant en place un ministre des finances de la zone Euro qui surveillera et coordonnera les politiques économiques.
L’unité, enfin, est facteur de puissance. Comme le dit la fable de La Fontaine, Le vieillard et ses enfants : « Toute puissance est faible à moins d’être unie ». Dépassons la vieille préférence gauloise pour la division. Ayons un sursaut pour une réforme qui tende vers l’unité.
Enfin, trop de temps a été passé sur la plomberie de la gouvernance européenne et pas assez sur le projet européen ; même si institutions et gouvernance sont essentielles. Jean Monnet le disait : "Rien ne nait sans les hommes, mais rien ne dure sans les institutions. »
Propos recueillis par Caroline Castets