La rémunération de l’entrepreneur est contestée en justice par l’un des actionnaires du constructeur automobile. Si le tribunal du Delaware la validait, Elon Musk pourrait toucher la plus grosse enveloppe jamais attribuée au monde à un PDG.

 

Un CEO américain qui gagne des dizaines de millions de dollars chaque année ? Une rémunération liée aux performances de l’entreprise, permettant au dirigeant d’empocher des sommes colossales si les résultats sont au rendez-vous ? Rien de bien nouveau sous le soleil financier d’outre-Atlantique. Rien non plus qui prête à la contestation. Jusqu’à un certain point.

Un seuil désormais atteint par un homme connu pour sa démesure en tout genre... Elon Musk. Le système de rémunération du cofondateur de Tesla, mis en place au sein du constructeur automobile en 2018, et qui pourrait lui permettre de toucher jusqu’à 56 milliards de dollars, est contesté par l’un des actionnaires du groupe, Richard Tornetta.

Durant toute cette semaine, le sujet va être débattu devant la Court of Chancery (tribunal spécialisé en droit des affaires) du Delaware. Si le "package" introduit par le conseil d’administration de Tesla venait à être validé, Elon Musk pourrait devenir le patron le mieux payé de l’histoire. Et ce, alors que l’homme d’affaires ne touche aucun salaire fixe.

Des critères élevés

En quoi ce plan de rémunération consiste-t-il ? Il y a quatre ans, le conseil d’administration mettait en place un programme sur dix ans permettant au dirigeant d’acheter 1 % des titres Tesla (soit 1,69 million d'actions) à une forte décote chaque fois que des objectifs de performance et financiers sont atteints. En tout, le cofondateur pourrait acquérir jusqu’à 20,3 millions d’actions qui, à la revente, lui rapporteraient gros.

Pour débloquer ces titres, des seuils de capitalisation boursière à franchir ont été déterminés. Le plus élevé est fixé à 650 milliards de dollars à atteindre d’ici à 2028 (contre 60 milliards en 2018 et 614 milliards à l’heure actuelle). Le chiffre d’affaires et les bénéfices sont également pris en compte dans les calculs.

Elon Musk gagne son pari

À l’époque de la constitution de ce plan, l’état de santé de Tesla n’était pas au beau fixe. L’entreprise venait de faire face à "une sérieuse menace de mort", selon les mots d’Elon Musk. En cause ? Des retards cumulés dans la production de son Model 3. Afin de rassurer les marchés sur la pérennité du groupe, le conseil d’administration trouvait un moyen de fidéliser Elon Musk tout en préservant les intérêts des actionnaires, ses gratifications étant liées aux performances du groupe. Depuis, le constructeur de voitures électriques fait le yoyo en Bourse. En 2021, il dépassait les 1 200 milliards de capitalisation sur fond d’accélération des ventes de voitures électriques. Aujourd’hui, il pâtit des pénuries dues à la pandémie et la concurrence.

"Le plan est victime de son propre succès"

"Le plan est victime de son propre succès", commentait en 2021, Bennett Stewart, cofondateur de la société de conseil Stern Stewart à Fortune. Au départ, le programme "était excellent parce qu’il ressemblait à des stock-options à effet de levier ; elles n’étaient acquises que si Musk augmentait la valeur de Tesla. Mais aujourd’hui, il satisfait tous les critères de capitalisation boursière, plus rapidement que ce qui avait pu être imaginé".

L’homme le plus riche du monde

Le "package" contribue à faire d’Elon Musk la personne la plus riche au monde, selon le Billionaire’s Index de Bloomberg, qui évalue sa fortune à 189 milliards de dollars. Un chiffre qu’il reste toutefois difficile à établir avec précision puisqu’une part importante de ce trésor est investi dans une société privée, SpaceX. À titre de comparaison, le CEO d’Apple, Tim Cook percevait 100 millions de dollars en 2021, quand Satya Nadella, patron de Microsoft, empochait 50 millions, et Andy Jassy, DG d’Amazon, 212 millions de dollars.

Richard Tornetta demande l’annulation de cet accord, estimant qu’Elon Musk aurait trop d’influence sur le conseil d’administration, arguant de surcroît que le CEO n’occuperait son poste qu’à temps partiel. Dix-neuf témoins, dont des administrateurs et des experts en rémunération, sont attendus à la barre.

Depuis qu’il a proposé 44 milliards de dollars pour racheter Twitter, l’entrepreneur a déjà vendu pour près de 20 milliards de dollars d'actions Tesla. Le procès de cette semaine se tiendra devant Kathaleen McCormick, qui a supervisé l'affaire dans laquelle le réseau social accusait Elon Musk de s'être retiré illégalement du deal en juillet dernier. Le jugement concernant l’affaire Tesla n’est pas attendu avant plusieurs mois.

Olivia Vignaud

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