Au-delà de toute spécificité territoriale, économique et géographique, les Français auraient un attachement profond pour la possession immobilière. Cette conviction, rabâchée à l’envi par les journalistes et les politiques, mériterait d’être étayée. Dans la basse-cour européenne, le coq ne chanterait-il pas trop fort ? Quel est vraiment l’état de l’immobilier au sein du club des 27 ? Retour chiffré sur un continent de disparités.

Union européenne des propriétaires

Sur l’ensemble de l’Union, plus des deux tiers des habitants sont propriétaires du logement qu’ils occupent. Avec ses 64 %, la France se révèle finalement en dessous de cette moyenne. Le pays des Lumières se voit largement distancé par la Roumanie, la Slovaquie et la Hongrie, toutes les trois au-dessus des 90 %. Dans ces anciennes républiques soviétiques, la chute du régime s’est accompagnée d’une attribution des logements à leurs occupants, permettant un accès généralisé à la propriété, y compris dans les couches les plus populaires de la société. Ces pays ont, depuis, connu une baisse démographique qui a, par ailleurs, contribué à l’augmentation du nombre de logements disponibles et explique des pourcentages si élevés d’accédants à la propriété. A contrario, l’Autriche, qui enregistre 45 %, et le Danemark 41 %, se situent en dessous de la barre symbolique des 50 %, suivis de près par l’Allemagne avec 50,5 %. L’explication tient en partie à la mise en place de politiques immobilières spécifiques, comme à Vienne, où la municipalité est propriétaire d’un quart du parc résidentiel, couplée à une politique d’accompagnement financier des promoteurs, en échange de loyers modérés. En plus d’un système de plafonnement des loyers, ces dispositions contribuent à ce qu’une partie de la population ne veuille pas entrer dans cette quête frénétique d’accession à la propriété. Phénomène plus uniforme, l’augmentation du prix des logements sur les dix dernières années semble toucher toute l’Union européenne, à l’exception de l’île de Chypre. C’est en Europe de l’Est que cette tendance s’établit le plus fortement, notamment en Tchéquie (+25,8 %), ainsi qu’en Lituanie (+19,8 %).

Européens des villes, Européens des champs

En location ou en tant que propriétaire, la moitié de la population européenne occupe une maison (53 %), le reste leur préférant les appartements (46 %) et plus à la marge, péniches, caravanes et autres types de domicile (1 %). Si la France ne mérite donc pas totalement son statut de pays de propriétaires, elle marque sa préférence pour l’occupation de maisons, qui concerne 65 % de ses habitants, soit dix points au-dessus de la moyenne européenne. L’Irlande bat tous les records avec 92 % de sa population vivant dans des maisons, suivie de la Croatie (78 %), de la Belgique (77 %) et des Pays-Bas (75 %). Espagnols, Grecs et Baltes vivent en majorité dans des appartements. Assez logiquement, le monde urbain et le monde rural se distinguent : 72 % de la population des villes occupent un appartement contre 18 % seulement en campagne. La Lettonie est championne en la matière, avec 42 % de ses habitants qui habitent un appartement en zone rurale.

Un bateau sans capitaine

Au-delà de certaines différences inhérentes à chaque pays, la question immobilière symbolise un manque criant de cohésion politique au sein de l’Union européenne. S’il semble que ce soit à l’échelle de l’État-nation que se décident les impulsions devant conduire le secteur, certains pays peinent à définir une politique claire et ambitieuse en matière d’habitation. Le cas français est symbolique en la matière, avec un manque d’accompagnement des propriétaires de "passoires thermiques", que le gel des loyers imposé par la loi Climat et résilience pousse à préférer la vente de leur bien, laissant craindre une crise sur le marché locatif dans les mois à venir.

Émile Le Scel

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